Les Genevois veulent réviser la rétrocession fiscale frontalière (06/09/2015)

sondage retrocession.jpgCertes, on dira que les sondages postés chaque jour sur le site de la Tribune ne répondent pas aux critères des sondages professionnels. Pour les avoir pilotés pendant pas mal de temps et en produire encore aujourd'hui, je peux cependant attester que le résultat produit par les clics des internautes à la question posée est généralement acquis après l'enregistrement d'une centaine de réponses. L'augmentation de la participation ne modifie qu'à la marge le résultat acquis. Le renversement d'une tendance est très rare.

Le dernier sondage mis en ligne vendredi 4 septembre porte sur le projet du MCG de dénoncer l'accord de 1973 par lequel Genève s'engage à rétrocéder aux communes et aux départements où habitent les frontaliers un tiers environ des impôts que leur employeur genevois prélève sur leur salaire et verse dans les caisses du Canton de Genève. D'emblée le résultat de ce sondage a été très serré. Il est resté ouvert samedi et dimanche jusqu'à 16 heures. A cette heure, il avait enregistré 2190 clics. A-t-il été manipulé?

En partie, oui (explication ci-dessous), mais, à mon avis, sans conséquences majeures sur la leçon (inquiétante?) qu'on peut en tirer.

Ce sondage, proposé aux internautes la semaine où le MCG lançait son pavée dans la mare de la morne campagne électorale pour les élections nationales des 18 octobre et 10 novembre, reflète sans doute un état émotionnel de l'opinion à un moment particulier, la rentrée 2015, elle-même assombrie par les toussotements de l'économie suisse, la contrainte budgétaire cantonale et ces réfugiés qui frappent à notre porte, soulignant que notre pauvreté annoncée est sans commune mesure avec leur détresse réelle.

Les internautes ont donc cliqué en fonction de leur humeur, sans avoir eu le temps de bien s'informer sur les enjeux et les conséquences d'une révision de l'accord de 1973. (Pas sûr d'ailleurs que ça leur fasse changer d'avis.) Leur humeur maussade en dit long. Elle signale une inquiétude dans la population, cette même inquiétude qui a motivé le refus des citoyens genevois de cofinancer quelques parkings d'échange en France voisine en mai 2014.

La faute à qui? Sans doute pas aux frontaliers qui sont des travailleurs comme les autres, même s'ils parlent parfois pointu et se considèrent un peu trop en pays conquis. La faute à l'histoire de Genève, qui cultive depuis Calvin une double nature, celle d'une cité assiégée au cœur d'une région, le Grand Genève, qu'elle ignore voire dédaigne, celle d'une cité dont les élites sont chez elles sur la côte est des Etats-Unis, au Pays-Bas ou en Écosse et ailleurs, bref partout où l'internationale protestante a tissé des liens.

Tant que l'Escalade reste la fête identitaire de la cité (en lieu et place du 21 juillet, date de la paix de Saint-Julien signée en 1603), tant que Servette et Evian-Thonon-Gaillard ne fusionnent pas (pour briller dans le championnat de France), tant que l'A41 au pied du Salève ne fait pas partie du contournement autoroutier du canton (cofinancé par lui), tant qu'aucun Genevois savoyard ou gessien ne représente le canton à Berne, tant qu'aucun pont sur le lac ne relie le Chablais français au Pays de Vaud, tant que le président du Conseil d'Etat ne prend pas sa responsabilité de ministre du Grand Genève au sérieux, le MCG peut continuer à flatter l'humeur des Atchoum, Simplet et autres Grincheux, dont le sondage montre qu'ils sont assez nombreux.

 

230 clics suspects

Dans le détail des adresses ip qu'enregistre le système, on relève que deux internautes (ou un seul à partir de deux ordinateurs) a tenté de modifier le résultat du sondage en votant 230 fois, alors que tout les autres adresses ip comptabilisent entre un et sept clics. Lorsque l'on quitte une session ou que l'on change de navigateur, le système ne propose que la question. Il faut donc cliquer à nouveau sur une réponse pour voir le résultat, d'où l'enregistrement de plusieurs clics par adresse ip. On peut estimer que ces clics surnuméraires confirment le choix initial et que les éventuels choix divergents s'annulent.  Tel n'est évidemment pas le cas de l'internaute aux 230 clics. Je postule qu'il s'agit d'un militant MCG qui a voulu ainsi donner plus de poids à l'initiative de son parti. Si j'enlève 200 clics du total des oui qui dimanche surpassaient les non (par 1088 à 970), je tombe à 888 oui. Cette démonstration n'a pas vocation à montrer que le non l'emporterait, je de souligner que cette tentative de manipulation n'a pas modifier profondément le résultat.

 

PS: pour la deuxième fois, un sondage dit que les Britanniques voteraient la sortie de l'Union européenne. J’estime que ça relève sans doute du même mouvement que le repli à courte vue genevois.

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