80 millions de francophones, c'est une prison (30/08/2015)

image.jpgIl y a déjà quelque temps, un savant avait, sur France Culture, comparé la connaissance à la surface d'un ballon de baudruche. Au début, disait-il, le ballon est à peine gonflé, un seul homme pouvait alors saisir la totalité ou presque de la surface et connaître toute la conaissance alors connaissable - encore que je me demande si Aristote aurait été capable de faire du feu avec deux silex.

Plus la connaissance augmentait, plus le ballon se gonflait et sa surface s'étendait, rendant l'omniscience rapidement impossible. Aucun savant ne sait tout. Pire, ajoutait le savant de France Cul, la surface s'étirant plus vite que le volume (au carré du rayon). Très vite des îlots de connaissance sont apparus à sa surface entourés de mers puis d'océans d'inconnus. Pire encore, chaque îlot a développé son vocabulaire pour désigner son domaine de connnaissance qui devient inconnu ou abscons à l'oreille des savants des autres îlots. 

Ainsi, la monde francophone, avec ses 80 millions de locuteurs, est un îlot et ses multiples savants le fractionnent encore. C'est le lot de toutes les langues. La science expérimentale et aujourd'hui le big data qui fait surgir des connaissances inconnues partout - aussi dans les sciences sociales et économiques rebelles à l'expérimentation - insufflent tant d'air dans la baudruche que le monde devient une tour de Babel. Celle des langues qui, depuis la nuit des temps, séparent les peuples en cultures différentes - un châtiment de Dieu contre des hommes qui voulaient par leur construction venir chatouiller les pieds du Créateur - voie ses fondations s'effriter aujourd'hui, au gré des prouesses des traducteurs automatiques (certes encore modestes, mais néanmoins impressionnantes).

La nouvelle tour de Babel est plate - mais sans doute à plusieurs dimension. Elle est une étendue sans fin et continue de la surface de la baudruche qui font des savants des savants de rien. Un rien, morceau du tout tout de même. 

Cette réflexion me vient à la lecture d'un article du Spiegel. Je n'ai plus le temps de suivre ce qui est l'univers culturel de trois Suisses sur quatre et me désole parfois de l'incapacité des médias français de sortir de leur hexagone réduit souvent au combat des petits chefs Sarkollande & Cie. Dans l'édition de ce 29 août, je tombe sur une longue interview du patron de Deutsche Telekom. Très agressifs, les journalistes reprochent l'obligation faite par l'opérateur de passer à marché forcée à la norme IP pour les lignes fixes Et de faire peu de cas de la protection des données. 

Le patron de Telekom conteste vigoureusement et répond en substance au Spiegel: Vous m'énerver avec vos hackers. L'Europe doit absolument ne pas se faire voler le marcher du web 4.0, celui des entreprises connectées et du big data. Oui, dit le boss, il faut tout faire pour réduire les risques, anonymiser et pseudomiser les données, mais l'intérêt de mieux connaître les risques d’être frappé d'une maladie nosocomiale (en traquant les rapports des hôpitaux) ou d'être alerté en temps réel du trafic à 8 h du matin (en traquant le déplacement des ordiphones - mot français pour smartphone) est aussi important. Le risque doit et peut être géré, il ne doit pas freiner voire bloquer l’évolution, sinon, nous (l'Europe) nous retrouverons une fois de plus à la remorque des États-Unis.

 

Sur le sujet de la connaissance et de son arborescence, cet intéressante conférence trouvée sur TED.

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