La dette, la Grèce, DSK (28/06/2015)
Alors que la grand messe de la révision des comptes d'Etat occupait des députés genevois (au demeurant bien incapables de modifier le train de l'Etat sinon à la marge, et encore), mon journal préféré a publié vendredi dernier un graphique montrant l'évolution de la dette de Genève de 1990 à nos jours. De 4,3 milliards, la dette cantonale a crû à 13.4 milliards.
Ce graphique oublie deux choses au moins: 1) que le PIB genevois a lui aussi crû de 50% dans l'intervalle, ce qui se reflète dans les recettes de l'Etat, qui sont passés en gros de 4 à 8 milliards de francs par an, et 2) qu'on ne saurait considérer la dette sans jeter un regard sur les actifs.
La droite, certes divisées mais néanmoins, majoritaire au Grand Conseil et au Conseil d'Etat tout au long de cette période, à l'exception d'une parenthèse de quatre années, n'a cessé de hurler au loup à propos de la dette et aux lendemains qui déchantent et aux générations futures qu'on spolie. Qu'a-t-elle fait pour réduire cette dette qui l'empêche de dormir?
C'est ce genre de réflexions que les simples et braves citoyens doivent ressasser dans leur tête, eux qui, comme Pascal Décaillet, ont cette vertu de ne jamais dépenser plus que ce qu'ils gagnent et de ne devoir rien à personne. (ça c'est pour la théorie, car mon cher Pascal oublie que les Suisses sont parmi les peuples les plus endettés du monde, notamment par le biais des hypothèques, dont les intérêts sont déductibles des impôts ce qui n'encourage personne à rembourser ses emprunts)
Les Grecs non plus n'ont pas remboursé leurs dettes. Ce qu'on fait les Suisses. Malgré l'indiscipline genevoise, nous autres Helvètes affichons un taux d'endettement des collectivités publiques en recul et bien inférieur aux règles de Maastricht. Les Grecs ne sont pas les seuls ni les dernier à faire défaut. S'il n'était pas dans l'euro - une erreur française que de les y avoir inclus - il y a longtemps que le pays serait en cessation de paiement, comme l'Argentine, le Mexique et quelques autres pays. Leur problème est que le économie ne croît pas et que bien des Grecs éludent l’impôt.
Il faut, dit soudain DSK - paraphrasant François Mitterrand - donner du temps au temps et non sans ironie Apprendre de ses erreurs. Certes, mais il faudra surtout biffer au moins la moitié voire plus de la dette grecque. Et prier les dieux de l'Olympe qu'à l'avenir, les Grecs paient leurs impôts.
En ces temps où l'islam n'est pas trop en cour, les politiciens occidentaux feraient peut-être bien de s'inspirer de ses règles en matière financière. Elles posent que le créancier est engagé dans la réussite ou l'échec du prêteur, car si le prêteur fait défaut, le créancier perdra aussi. C'est au fond le principe de l'actionnariat. Qui investit dans une entreprise sait qu'il peut gagner mais qu'il peut perdre aussi. Les actionnaires de Swissair en savent quelque chose. D'où cette idée sans doute iconoclaste:
Transformer les créances grecques en actions imposeraient à leurs détenteurs un comportement plus modeste et plus économique.
22:07 | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Cher Monsieur Mabut,
Merci pour votre réflexion du jour, si pertinente.
Je n'ose même pas imaginer qu'elle serait les conséquences d'une bulle immobilière qui éclaterait en Suisse....
Bel été et cordiales salutations,
L.F
Écrit par : lionel | 29/06/2015
"En ces temps où l'islam n'est pas trop en cour, les politiciens occidentaux feraient peut-être bien de s'inspirer de ses règles en matière financière. Elles posent que le créancier est engagé dans la réussite ou l'échec du prêteur, car si le prêteur fait défaut, le créancier perdra aussi. C'est au fond le principe de l'actionnariat. Qui investit dans une entreprise sait qu'il peut gagner mais qu'il peut perdre aussi. Les actionnaires de Swissair en savent quelque chose. D'où cette idée sans doute iconoclaste:
Transformer les créances grecques en actions imposeraient à leurs détenteurs un comportement plus modeste et plus économique."
Votre commentaire sur la finance islamique institutionnelle me laisse perplexe car celle-ci fixe, avant que le bénéficiaire ne reçoive le premier centime, le montant qu'il devra, à l'échéance, retourner pour s'acquitter de sa dette. Inutile, je présume, de vous préciser la base (sic) sur laquelle est calculé le bénéfice qui devrait être dégagé entre le prix de vente et le prix d’achat. De l’orfèvrerie en matière d’hypocrisie
Et, si le terme d'échéance de la dette venait, pour de multiples raisons, à être reporté alors elle fera l'objet d'un nouveau contrat qui préciserait le nouveau prix de rachat de la dette et ainsi de suite.
Il n'y a à aucun moment partage du risque, c'est juste un habillage du taux d'intérêt.
Cela dit, en occident, nul besoin d'user d'un pareil subterfuge. Si le prêt sans intérêt et sans suretés se pratique couramment entre amis ou bien dans le cercle familial, au moins les institutions bancaires traditionnelles ont la décence d'appeler un chat un chat et un taux d'intérêt un taux d'intérêt. Le seul point sur lequel les deux systèmes (celui qui semble avoir vos faveurs et notre système traditionnel) se rejoignent, c'est dans le cas où l'emprunteur fait défaut eh! bien là il revient aux banques de tous poils le privilège de boire tout ou partie du bouillon.
Je note au passage que ce que vous suggérez comme remède pour la Grèce n'est rien d'autre que la titrisation de sa dette, mot qui a fait florès, avec les conséquences que vous savez, au moment de la découverte d’un autre mot, celui de "subprimes".
Écrit par : Giona | 29/06/2015
Les Grecs ne paient pas leurs impôts car l'Etat grec est une création récente d'inspiration occidentale et britannique et les Grecs ne le ressentent pas comme émanés d'eux organiquement.
Écrit par : Rémi Mogenet | 29/06/2015
@ Giona. Merci de votre long commentaire. Évidemment nous sommes dans une situation de crise. Plus personne n'est prêt à mettre de l'argent dans le tonneau des Danaïdes grec. Plus personne ne refinance la dette depuis 5 ans sauf les institutions politiques avec l'argent qu'elles fabriquent, pas sûr depuis les exercices de quantitative radine que ce soit même l'argent des contribuables. Quant à l'actionnariat je ne crois pas qu'il soit analogue à la titres a-t-on des dettes qui n'est qu'une manière d'emietter les risques mais qui ne changent pas la nature de la créance et l'obligation de rembourser le principal.
@Remi Mogenet. Vous avez tout à fait raison. Jusqu'à la chute des colonels c'était même un comportement de résistance civile que de ne pas payer ses impôts. On oublie en effet que le monde de l'économie fonctionne car il est généralement considéré comme vertueux de payer ses impôts et ses autres obligations et que des fonctionnaires et cas échéant des juges sont là en principe pour sanctionner les comportements vicieux.
Bien à vous
Écrit par : Jf Mabut | 29/06/2015
"En ces temps où l'islam n'est pas trop en cour"
L'Islam n'a pas à être ou ne pas être "en cours", mais simplement à admettre par ses élites et par la masse de ses adeptes que, comme toute autre religion de tous les temps, elle comporte ses extrémistes, qu'ils agissent par la terreur ou non, qui ont le droit de se réclamer de cette religion (ce d'autant plus que l'histoire atteste de cette appartenance), même si leur manière de voir déplaît à une partie ou une majorité d'entre eux.
Écrit par : Mère-Grand | 29/06/2015
"En ces temps où l'islam n'est pas trop en cour"
L'Islam n'a pas à être ou ne pas être "en cour", mais simplement à admettre par ses élites et par la masse de ses adeptes que, comme toute autre religion de tous les temps, elle comporte ses extrémistes, qu'ils agissent par la terreur ou non, qui ont le droit de se réclamer de cette religion (ce d'autant plus que l'histoire atteste de cette appartenance), même si leur manière de voir déplaît à une partie ou une majorité d'entre eux.
Écrit par : Mère-Grand | 29/06/2015