Quand hommes et femmes étaient séparés à l'église de Compesieres (30/04/2015)

Capture d’écran 2015-04-30 à 22.44.05.pngJe me souviens, enfant, avoir assisté à la messe, chaque dimanche à 10 heures, et aux Vêpres, à 15 heures,  dans ma paroisse de Compesières. Les chanteuses étaient installées dans la nef. Le choeur des hommes était perché sur la galerie, blotti contre le grand orgue. Son souffle puissant transformait en épopées lyriques et fantastiques les histoires du Tohu Bohu, d'Adam et d'Ève, du Déluge, des Dix Commandement, de Samson, de la Passion et de la Résurrection. L'islam était alors un mot inconnu.

Point de femmes dans le chœur de l'église. Les grands mères  portaient un chapeau, un foulard ou une mantille. Les grands-pères enlevaient leur couvre-chef. Le curé tout de noir habillé sondait régulièrement  les âmes des fidèles dans une boîte grillagée. Il officiait à l'autel, surchargé de fleurs et de cierges et parfois enveloppé d'un brouillard odorant, l'encens. Le mystère était présent comme le Christ dans l'hostie. Une fois l'an, il bénissait les maisons et les moissons. Point de filles parmi notre cohorte d'enfants de chœur, qui servions la messe en latin, à 7h30, juste avant l'école... 

Les chanteuses et les chanteurs ne se retrouvaient ensemble qu'aux fêtes carillonnées, Noël, Pâques, l'Ascension, Pentecôte, la Fête Dieu, L'Assomption, la Toussaint et quelques autres.

Vatican II a bouleversé ces traditions séculaires. Quelques cierges restent allumés, mais le mystère semble avoir disparu. Et plus grand monde ne croit à la présence réel du Fils de Dieu dans le pain et le vin consacré. Plus grand monde ne semble croire à grand-chose d'ailleurs.

Je pense à cette histoire vieille de 50 ans, en regardant Temps présent sur les imams actifs en Suisse L'émission de ce 30 avril est heureusement bien plus pointue que celle de la veille. Mais elle n'échappe pas à la caricature. Le script tire excessivement parti de la vidéo de Blanchot. S'il est si minoritaire, pourquoi diffuser ce brûlot aussi longtemps? Et pourquoi cette image d'une décapitation? Elle est odieuse. Temps présent en l'associant à son émission sur l'islam en Suisse alimente la polémique, accrédite l'idée que cette assassinat serait le vraie, l'ultime visage de l'islam. Tout comme d'aucuns considèrent que la Shoah n'est au fond que le stade ultime de l'antisémitisme ou que le goulag est le vraie visage du communisme.

Bon point en revanche pour le quiz. Démonstration efficace que, sans joker, les imams sont bien contraints de de répéter la doxa de ceux qui les paient. Mais là encore un gros bémol. Les trois questions posées ne sont que des caricatures de l'islam. On trouve dans Saint Paul et dans la Bible des phrases qui pourraient aisément transformer le christianisme en une religion obscurantiste: sur le péché originel, sur les femmes, sur la virginité, sur les homosexuels, sur la résurrection de la chair, sur la foi seule salvatrice, sur la communion des saints, sur Dieu même, que toute l'iconographie représente au masculin.

Islam et christianisme ont sans doute béni des canons, mais ces religions sont aussi des creusets du vivre ensemble, de l'amour du prochain, de la solidarité, de la justice, de la résistance contre le mal, de l'espérance et de la foi qui fait bouger les montagnes et donne un sens à l'absurde couple du hasard et de la nécessité. 

Temps présent a raté cette cible. 

Quant à l'Islam, il lui faudra sans doute plus d'un concile pour se réformer et accepter que la foi religieuse et les savants qui l'interprètent ne peuvent pas imposer leur loi à toute la société, même là où les musulmans sont majoritaires.

Quant au monde occidental, il a trop d’injustices et d'exactions à son bilan, trop à se faire pardonner pour donner des leçons de bonne gouvernance et exiger aujourd'hui un alignement des autres mondes sur son modèle.

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