France: le jour d'après (12/01/2015)

assassin creed.pngQue faire des quelque millions de marcheurs et des dizaines de millions de téléspectateurs qui ont retrouvé, l'espace d'un dimanche, un état de communion républicain jamais vu depuis la Libération? La France se réveille en ce 12 janvier, interrogeant les raisons d'une mobilisation populaire aussi puissante, d'un partage cathartique aussi profond.

L'assassinat des dessinateurs de Charlie, de policiers et de consommateurs juifs dans une superette casher a agi comme un électrochoc. La France l'attendait comme tous ceux, dont je suis, qui aiment ce pays plus que tout autre et qui se désolaient de voir la République - car la France incarne plus que tout autre l'idée de la République - se déliter.

Sur France Culture ce matin, Régis Debré et Caroline Fourest ont tenté une première analyse. Que faire, a demandé le chroniqueur Brice Couturier, pour que le soufflé ne retombe pas? Leurs réponses ne m'ont pas convaincu.

"Cesser de parler de gouvernance, un mot copié collé du monde des affaires, et parler davantage de gouvernement", a dit le médialogue: Arrêter de bourrer les discours politiques des chiffres balancés par Bruxelles. Et puis oser enfin évoquer le fait religieux dans les écoles et l'interroger rationnellement. Il faut plus de prof de philo aussi.

Dans la même veine, Caroline Fourest a suggéré d'augmenter le nombre de profs de dessin. Et d'apprendre aux élèves qu'une caricature qui s'en prend au bon dieu ou à ses saints, ça n'est pas du racisme envers une communauté. Il faut armer les profs à répondre aux élèves dont la culture est faite de slogans répétés en boucle.

Il n'y a pas que la culture des gosses qui soient faites de slogans en boucle et d'idées reçues. Et les Genevois partagent, de ce point de vue, bien des choses avec l'Hexagone.

Plus que tout autre canton, le nôtre partage avec la France l'idée d'une république laïque (bien que fondée sur un terreau fort différent). Comme la France, nous bannissons tout enseignement de la culture religieuse à l'école. Nous pratiquons une neutralité qui va jusqu'à ignorer les fêtes chrétiennes qui scandent encore le calendrier. Et nous nous trouvons néanmoins confrontés à gérer des élèves qui affichent leur appartenance à l'islam.

Pas sûr qu'une dose accrue de philosophie et un enseignement sur la caricature parviennent à inculquer des valeurs, une éthique quotidienne, des comportements respectueux, lesquels proviennent bien davantage des modèles que leur livrent le monde adulte et les héros modernes.

Un mot encore à propos des héros modernes. Assassin Creed, c'est le nom d'un jeu vidéo lancé avec succès en 2007 déjà.

Vous ne connaissiez pas? Moi non plus. Jusqu'à ce que je me souvienne, en marge de l'attentat de Charlie, que le mot assassin viendrait selon une rumeur qui a pris toutes les formes de la vérité du mot Hashashin. Vous ne connaissiez pas non plus. Lisez alors ce qu'en dit Wikipedia. L'encyclopédie en ligne en donne une définition dont on pourrait tirer quelques interprétations de ce qui se passe aujourd'hui. Wikipedia cite notamment ceci:

"L’ismaélien nizârien Abû Ishâq-i Qohistânî, de la fin du XVe siècle, rapporte un extrait de la Grande Résurrection :

« Ô vous, les êtres qui peuplez les univers ! Vous, génies, hommes et anges ! Sachez que Mawlâ-nâ (notre Seigneur) est le Résurrecteur (Qâ’im al-Qiyâma). Il est le Seigneur des êtres, il est le Seigneur qui est l’existence absolue (wujûd mutlaq), excluant ainsi toute détermination existentielle, car il les transcende toutes. Il ouvre la porte de sa miséricorde, et par la lumière de sa connaissance il fait que tout être soit voyant, entendant, parlant, vivant pour l’éternité4. »"

Impressionnant de contemporanéité non!

Sauf que cette origine du mot assassin est contestée si j'en crois cet article découvert sur le site Histoire du monde.

Peu importe. En l'état, il est sans doute prématuré de parler de guerre. Car ce mot justifie trop souvent des lois d'exception, des prisons secrètes, des moyens d'extorsion de la vérité inhumains. Il prête encore le flanc à cet amalgame qui ferait de l'islam une menace pour l'Occident.

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