Budget 2015: le hara kiri du PDC genevois (20/12/2014)

Comment un parti, qui détient deux sièges au Gouvernement, qui se dit au centre et se doit donc d'être - et a toujours été - un des piliers du gouvernement, peut-il ne pas voter le budget? L'abstention du PDC, hier soir, lors du dernier vote est suicidaire.

Le MCG est le grand vainqueur de cette comédie, où l'on s'est écharpé plus de 20 heures durant pour une ou deux  dizaines de millions, alors que les dépenses de l'Etat de Genève dépassent 7,6 milliards de francs faisant du canton et de ses communes la collectivité publique la plus dépensière de Suisse par habitant.  

J'entends déjà les forts en gueule de ce parti, qui n'en manque pas, clamer haut et fort ces prochains mois - on entre en campagne électorale - que le MCG, lui, a assumé ses responsabilités gouvernementales en votant le budget, et dénoncer l'indécision du PDC, dont deux de ses membres dirigent deux des ministères les plus importants du canton, dont le ministère des finances, mais dont les députés se réfugient dans l'abstention.

Et la gauche me dira-t-on. En refusant le budget, n'affaiblit elle pas ses deux ministres? Et bien non. Car la gauche, elle aussi composite, est très minoritaire au gouvernement, comme au Grand Conseil. Anne Emery Torracinta, la seule qui pèse en raison du nombre de fonctionnaires du Département de l'instruction publique, a très vite pris le parti de ses troupes en dénonçant la coupe proposée par le MCG qui, dans une premiere étage de la saga budgétaire, ciblait uniquement le DIP.

Le PLR a donc fait le choix logique d'abandonner le PDC et de forger une nouvelle majorité avec le MCG et l'UDC. Rien de très surprenant à cette issue qui bourgeonnait depuis des années. Le mûrissement a été lent. Il reflète l'air du temps. La droite décomplexée a traversé l'Atlantique et se nourrit des inquiétudes d'un continent européen qui vieillit et se dépeuple. Les idées simples voire simplistes duTea Party ont fait leur nid dans la société.

Même si la Suisse a globalement échappé à la crise économique, les gens, les jeunes, sont plus inquiets pour leur avenir. Un job pour la vie, bien au chaud, ça n'existe plus, sauf encore dans la fonction publique. Mais là aussi, les exigences ont augmenté. Les nouvelles technologies font des cols blancs de simples appendices de machines qui les dévorent, des canuts lyonnais, exposés aux bourrasques de la mondialisation.

Mais la crise, bien plus profonde, à laquelle la Susse n'échappe pas est celle des valeurs, celle du sens. Il est passé le temps de la génération d'après-guerre qui a construit l'Europe pour que la Seconde Guerre mondiale soit bien la dernière. Il est passé le temps de la génération 68 qui prônait la liberté, l'égalité dans des communautés, petites ou grandes, puis le naif tout le monde il est beau, tout le monde  il est gentil.

Qu'est ce qui fait rêver les hommes aujourd'hui? L'Europe? La liberté? La solidarité? La prospérité commune, comme l'écrit la Constitution suisse?

On manifeste pour défendre ses acquis. On bosse pour payer ses assurances, des logements hors de prix, les retraites des pensionnés d'aujourd'hui convaincus que celles des quadras et des plus jeunes ne pourront pas etre financées selon le modèle actuel.

La crise est sérieuse. L'abstention du PDC, qui dit avoir choisi cette issue que parce qu'il soutient le gouvernement, ne voulait pas de coupes dans les budgets sociales et ne voulait pas s'acoquiner avec un parti populiste, en est un des reflets. Ça ne suffit à l'évidence pas pour faire une politique ni parvenir à l'expliquer au peuple.

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