Ces infos que les citoyens ne veulent pas connaître (16/05/2013)
Quel est le prix d'une maturité à Genève? Et dans la canton de Vaud, de Fribourg, du Valais...? Silence... Combien payez-vous d'impôt? Silence... Embarrassant! Je pose régulièrement ces questions aux journalistes stagiaires du Centre romand de formation des journalistes qui j'expose les rudiments de la lecture des comptes publics. Ils sont bien incapables de répondre. Et vous sauriez-vous répondre?
Pourtant si l'idée vous prenait de scolariser votre progéniture dans une école privée, vous sauriez chaque année combien ça coûte, jusqu'à la matu. Même chose pour tout ce que vous achetez: de la boîte de conserve à la paire de chaussure en passant par votre prochain voyage en Italie, vous connaîtrez le prix exact de ces produits et de ces services et recevrez même en prime des informations sur la boîte d'emballage et même la possibilité d'être remboursés si cela ne correspondait pas.
Dans le secteur public, nada. Pourquoi les gens, et les plus encore les élus et les journalistes, sont-ils si peu exigeants à l'égard de l'Etat? Pourquoi ne lui demandent-ils pas, non pas des factures, puisque l'impôt est censé financer les services publics, mais au moins la connaissance des coûts par prestation.
"Par peur de devoir constater que l'Etat coûte plus cher", a fini par proposer une jeune femme, hier à Lausanne. "Parce que ça coûte plus cher d'engager des chômeurs", a suggéré un jeune homme qui trouve que l'Etat ne doit pas être soumis à cette logique marchande.
Vrai, faux? N'est-ce pas la tâche des journalistes que de tenter de débrouiller cet écheveau? Mais non, à la difficulté de lire des comptes publics mal fichus pour répondre à cette simple question - combien ça coûte? - s'ajoute un état d'esprit rétif à poser cette même simple question - combien ça coûte?
Dans le canton de Vaud, des villes ont tenté de comparer le coût d'entretien d'un mètre carré de gazon, nous a raconté une élue d'un Exécutif d'une de ces villes. Mais il a été ensuite bien difficile d'interpréter les résultats, car les services des parcs et jardins ne font pas tous exactement la même chose, certains entretiennent telle cour d'école, d'autres avaient lancé un projet de compostage, un troisième achetaient à l'extérieur la moitié de ses plantons de fleurs, etc. Le diable est dans le détail et il est vrai qu'on ne saurait comparer que ce qui est comparable. Or les services des collectivités publiques sont passés maître dans l'art de s'inventer des tâches et des spécialités qui deviennent vite indispensable, qui deviennent même l'ADN du service, son identité, sa fierté, sa raison d'être. Bref retrancher telles activités et vous le tuez. Dans le privé aussi chacun veut se distinguer, mais c'est le client qui décide et prend aussi sa part de risque.
Mais concluons, ces jours, dans le cadre de ce cours, je montre les seules informations officielles disponibles en Suisse sur le coût (et donc la valeur) des prestations. Tout tient en un tableau, dont je tire le graphique inséré ci-dessus (cliquez sur ces documents pour les agrandir). La statistique permet dans la plupart des secteurs de détailler un peu le prix des choses, mais pas de connaître le coût d'une maturité.
Ma question est: la commission des finances du canton de Genève connaît-elle ces statistiques et s'en sert-elle pour se demander pourquoi le coût des services publics délivrés par le canton de Genève et ses communes est significativement plus élevé que dans les cantons de Vaud et de Zurich? Ces statatistiques ne sont sans doute pas exemptes de biais divers, comme ceux qu'affectent Bâle, où la Ville assument des tâches dont profitent les habitants de Bâle-Campagne contre dédommagements, mais tout de même la différence entre Genève, Vaud et Zurich est frappante. (Sources)
09:48 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
N'oubliez pas que dans le canton de Vaud et le canton de Zuerich les communes assument des charges beaucoup plus importantes que dans le canton de Genève et que par conséquent ces cantons peuvent présenter des résultats moindres.
Par exemple la police, l'urbanisme, la santé (les hôpitaux périphériques appartiennent aux communes), les routes etc...
Écrit par : Bertrand Buchs | 16/05/2013
Le premier très gros biais de ces statistiques concernant Genève est l'existence des frontaliers, qui ne sont pas pris en compte dans le nombre d'habitants, mais coûtent en infrstructures. Ils rapportent d'ailleurs plus qu'ils ne coûtent, par leurs impôts. C'est d'une certaine manière un peu le même shéma que BS/BL mais organisé différemment.
Il y a d'ailleurs un énorme biais aussi dans le calcul de la péréquation intercantonale qui fait la même erreur en ne tenant pas compte des frontaliers, même partiellement, dans le nombre d'habitants.
Outre l'impact sur les routes ou les transports publics, on peut relever que les enfants de personnes payant leurs impôts à Genève peuvent y être scolarisés, etc...
Le Grand Zurich est en grande partie dans le canton de Zurich et un peu dans les cantons voisins. La moitié du Grand Genève est hors du canton, dont la majeure partie en France, tandis que la partie nyonnaise contribue largement à la prospérité du canton de Vaud, sans contrepartie. Bref, les biais sont nombreux.
Ceci dit, il est clair que l'instruction publique et la culture, par exemple, sont dispendieux. Un élève coûte un peu plus cher par année au cycle ou au collège (de l'ordre de 10%, les chiffres existent) que dans une classe comparable dans les meilleures écoles privées du canton (Ecol Int, Floriment, IIL etc...). Pour des taux de réussite, sur l'ensemble de la scolarité, plutôt favorables aux écoles privées. Tout simplement parce que les élèves y sont davantage suivis et encadrés et probalement aussi, parce que le recrutement social y est à la base différent (ce qui fait que le plurilinguisme est vécu comme et devient un avantage dans le privé) Mais les profs y sont moins bien payés que dans le public. Un certain nombre d'entre eux étant par ailleurs frontaliers.
Écrit par : Philippe Souaille | 16/05/2013
Frappante proximité des chiffres entre Bâle-Ville et Genève.
Simple coïncidence ou indicateur à prendre en compte?
Écrit par : Hélène Richard-Favre | 16/05/2013
Attaque ultra-conventionnelle contre la fonction publique. Populisme habituel et naïveté feinte. Bof, on a vu mieux. Pour compléter votre "réflexion" sur le coût de l'éducation, je vous propose de vous intéresser à la santé. Dans ce secteur, que n'avons-nous pas entendu sur les mérites de l'économie de marché, les bienfaits de la libre concurrence: nous allions voir ce que nous allions voir, pas comme dans certains pays voisins; nous allions échapper à l'horrible mainmise de l' Etat ! Ah, quel beau bla-bla, enfumage de grande classe, soutenu par des intérêts économiques. Vous aimez les perspectives intercantonales ? Livrez-nous un tableau des coûts comparés de l'assurance maladie, en lien si possible avec la question des primes excessives à rembourser. Merci !
Écrit par : P.Pain | 16/05/2013
Les biais existent et devraient être évalués. Il se trouve malheureusement que la seule statistique disponible permettant de comparer très grossièrement les communes ne figure sans doute par dans les priorités des politiciens. D'où un certain retard dans la publication des données et ces fameux biais qui réclameraient des études scientifiques régulières (de quoi nourrir quelques facultés ou HES).
@ Philippe Souaille, sans doute les grandes institutions culturelles attirent-elles des visiteurs qui ne paiement aucun impôt à Genève. Il ne s'agit en l'occurrence pas des frontaliers, mais des pendulaires habitant le canton de Vaud. Soulever le voile sur le coût d'un étudiant dont aucun proche ne paie d'impôt à Genève pose un problème politique sans doute délicat.
@ Bertrand Buchs, les chiffres présentés intègrent les dépenses cantonales ET communales de sorte que l'hétérogénéité suisse est gommées. Vous vous souvenez sans doute du cocorico de Thomas Barth en début d'année à la lecture d'un palmarès publié par le Blick. La chose était totalement fausse parce qu'on avait alors comparé uniquement les dépenses communales.
Merci à tous de vos commentaires.
PS: notamment @ P Pain, dont je peine à croire qu'il s'agit d'une identité authentique, ce qui me peine..., je ne suis pas un libéral qui veut rayer l'Etat de la surface de la terre, au contraire, mais si l'Etat est fort et performant et solidaire alors il doit avoir le courage et l'audace de jouer carte sur table. Même effort du côté de l'économie privée qui doit internaliser des coûts qu'elle fait supporter à d'autres (environnement, consommateur, employés, etc.)
Écrit par : JF Mabut | 16/05/2013
les citoyens sont saturés d'infos.Beaucoup prtiquent le dicton,moins on en saura mieux on se portera .De nombreux journaux télévisés passent à la trappe,on peut dire qu'Internet aura construit un monde de rejet même pour l'environnement trop souvent utilisé à des fins électorales.Une grand partie du peuple se sent grugé ,on ne peut lui donner tort
la cohésion entre parti étant nulle comment peut-on faire confiance à des coqs qui prennent n'importe quel argument à la sauce copiés collé ,pour en faire une bataille électorale? abus de pouvoirs et de droits,le peuple a d'autres chats à fouetter et peut-être qu'enfin les paroles d'un Général nommé Henri Guisan qui se méfiait des infos toxiques à juste titre, ont -elles retrouvé leur place d'honneur
Écrit par : lovsmeralda | 16/05/2013
Merci d'avoir publié mon commentaire, anonyme. (Désolé, si vous êtes peiné, mais n'étant pas un professionnel des médias , je ne souhaite pas m'exposer dans un contexte que je ne maîtrise absolument pas.) Vous avez raison : l' Etat doit être encore plus fort, solidaire et performant. (Il l'est déjà !) Oui, l'Etat doit avoir du courage et de l'audace.
Écrit par : P. Pain | 16/05/2013
Pour les chiffres genevois, je recommande la lecture de l'excellent document du service de la recherche en éducation du département de l'instruction publique : Ressources humaines et financières du DIP. Édition 2011. Pierre-Alain WASSMER, Claude-Alain BAERTSCHI. Juin 2012. 98 p, qu'on trouve sur le site du SRED. Vous y découvrirez que la matu coûte 21'500 F par année et par élève, soit 86'000 F pour une matu normale en 4 ans. Pour la comparaison avec la Suisse, voir le Rapport sur l'éducation publié en 2010 par le centre suisse pour la recherche en éducation, page 131 pour le gymnase.
Celui qui s'intéresse à ces chiffres peut donc les trouver, pour autant qu'il les cherche!
Écrit par : Daniel Pilly | 17/05/2013