La Suisse prise la main dans le grid (30/11/2011)
J'étais en pull, il était en chemise à manche courte. J'avais un thermomètre à laser et ai mesuré 22 degrés au plancher, 21 contre les murs, 17 sur les fenêtre à vitrage unique. Des spots non économiques écrairaient les Salons de la rue Bartholoni.
Il portait une cravate et un costume qui sied à sa qualité de professeur de l'EPFL. Il est membre de l'influente et quelque peu occulte ElCom. Où il tente - la commission de l'électricité n'a que quatre ans d'expérience - avec ses six collègues placé par le Conseil fédéral sous l'experte présidence de l'ancien Landamann d'Appenzell, Carlo Schmid-Sutter, de réguler le marché de l'électricité en Suisse.
L'Europe veut créer un seul marché de l'électricité, l'électron est, sera sans frontière. C'était le thème de la conférence de Matthias Finger ce midi à l'invitation des Midis de l'Europe organisé par l'Institut d'études européennes.
La Suisse est au coeur de l'Europe des électrons. Grâce à ses barrages, son parc nucléaire et quelques autres broutilles, elle couvre ses besoins en électricité. Plus pour longtemps, estime Matthias Finger (qui laisse poindre quelques doutes sur la faisabilité de la sortie du nucléaire). Mais son positionnement géographique fait que 50% du courant qui circule sur ses lignes à haute tension transitent des centrales nucléaires françaises ou des centrales à charbon ou à gas du nord vers l'Italie qui manque de jus et alimentent les pompes qui remontent l'eau dans les barrages, car il est bien plus profitable de turbiner aux heures de pointe.
Les enjeux se chiffrent en milliards et dans une libéralisation du marché que les Suisses ont d'abord refusé puis accepté (tacitement, aucun référeundum n'a constesté la deuxième loi).
La Suisse fera-t-elle partie du grid européen ACER (uniquement en anglais), ce réseau continental sensé aujourd'hui et plus encore demain réguler l'acheminement et le marché de l'énergie des éoliennes, des centrales à pétrole, à gas et à charbon du nord, du solaire d'Espagne, de l'Italie et du nord de l'Afrique, du nucléaire français et des barrages alpins? Pas sûr. Bruxelles bloque ce que la technique rend déjà possible sinon nécessaire. En cause, les biltérales qui sont au point mort.
Est-ce grave docteur, a demandé un auditeur attentif? Matthias Finger a dit non. La Suisse est assez riche et n'est qu'un consommateur insignifiant. Elle aura toujours du courant. En revanche, l'enjeu est de taille pour les trois ou quatre gros producteurs-distributeurs nationaux, les Alpiq, Axpo et autres FMB, qui aimeraient bien étendre leurs activités au-delà des frontières et retarder le plus longtemps possible la fin des juteux contrats d'achat à long terme conclus avec les fournisseurs étrangers.
Et le citoyen là dedans? Il n'est bientôt plus qu'un simple consommateur qui pourra dès 2013 aller acheter à la Migros peut-être - elle vend bien des cartes téléphoniques - une carte de consommation de courant - bio ou pas - qui viendra du Valaistan (nouveau nom du vieux pays dont les communes perdent la tête à la perspective de voir tomber les droits d'eau), de la Mer du Nord, du Sahara, des centrales nucléaires françaises ou des panneaux solaire de ses voisins.
L'électron sans frontière, c'est pour tout de suite.
Pour en savoir plus le powerpoint présenté par Matthias Finger
En attendant la préparation de ce Midi de l'Europe m'a permis de découvrir quelques sites internet intéressants: celui de l'ElCom, de l'OFEN, de SuisseEnergie qui publie plein de bonnes pratiques et notamment un charmant calendrier de l'Avent.
22:31 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Bonsoir Monsieur Mabut,
Matthias Finger a parfaitement raison d'émettre des doutes sur la sortie du nucléaire.
Cette décision prise dans la précipitation et sans concertation aucune par le Conseil fédéral, sous le coup de l'émotion à la suite de la catastrophe de Fukushima, n'est pas digne d'un gouvernement responsable. Cette décision était avant tout électoraliste, du fait des élections fédérales du 23 octobre dernier.
Ce qui peut parfaitement se comprendre s'agissant de l'émotion de l'opinion publique à la suite de cette catastrophe, n'est pas excusable pour un gouvernement sensé avoir une vision sur la durée. On ne gouverne pas à coups d'émotions !
Maintenant, il va falloir assumer et c'est probablement le message que Matthias Finger a voulu faire passer, du moins je le présume, n'ayant pas assisté à cette présentation. Le problème c'est que ceux - on devrait d'ailleurs les mettre au féminin - qui au sein du Conseil fédéral ont pris cette décision hâtive, n'y seront plus lorsque nous serons privés du 40% de la production totale d'électricité, à l'horizon 2034. Il faudra par conséquent s'attendre à des hausses de prix massives en Europe occidentale, du fait que l'Allemagne a emboîté le pas à la Suisse dans la sortie du nucléaire, plus récemment la Belgique également et que ni l'Italie, ni l'Autriche ne produisent à partir de cette énergie.
Et je n'aborderai même pas la question des capacités de transports insuffisantes pour faire face à cette nouvelle situation, mais je pense que Matthias Finger a dû vous en parler.
Cordialement !
Écrit par : Jean d'Hôtaux | 30/11/2011
Cher Jean d'Hôtaux, Merci pour ce commentaire plein de bon sens. En effet, Matthias Finger a bien montré les bouchons qui engorgent les autoroutes électriques en Suisse et en Europe. En fait c'est la mutualisation des grands réseaux qui les a fait soudain apparaître et qui a placé Swissgrid et ses équivalents en Europe (j'écris ses car il y en a plusieurs encore sur le continent) devant cette responsabilité de les faire sauter. Il y en aurait pour pas mal de milliards. Ces bouchons ne sont que le reflet de la segmentation du marché et la trace des frontières qui s'étaient établies entre les nombreux opérateurs (nombreux en Suisse où il y en a encore près de 900, tandis qu'en France EDF et RTE monopolisent entièrement ou presque la production et les infrastructures. Bonne journée. J'espère obtenir le powerpoint du conférencier dans la journée.
Écrit par : JF Mabut | 01/12/2011