Tristes politiques. Retour sur la mascarade du parlement genevois du 18 novembre 2011 (20/11/2011)

losio grand conseil.jpgCombien de Genevois sont-ils restés branchés vendredi soir sur Leman bleu jusqu'à 0h45 et ont-ils suivi le débat tronqué sur la gouvernance des régies publiques (loi 10679)? Trois blogueurs* - Henry Rappaz, Julien Nicolet et  Herbert Ehrsam - reviennent sur le bras de fer entre le député Stauffer et le reste du parlement.

Bras de fer gagné par le président du MCG, car en acceptant la motion d'ordre de l'ex-députée socialiste Elisabeth Chatelain demandant de poursuivre la lecture du projet de loi sans débat, le Grand Conseil a mis en branle une mascarade indigne d'un parlement. Pour faire taire un député, on a imposé le silence aux nonante-neuf autres. Les historiens diront s'il s'agit d'une première à  Genève.

Tristes politiques!

Quelles leçons tirer de cette décision? Deux me paraissent essentielles: à quoi sert le Grand Conseil et pourquoi le parlement fonctionne-t-il âu XXIe siècle comme au temps des Grecs (anciens)?

1) A quoi sert le Grand Conseil

Le Grand Conseil vote les lois. Ce faisant, il fixe des objectifs, encadre leur réalisation, précise comment le résultat attendu doit être mesuré.

Il vote le budget, qui n'est en principe que l'expression financière annuelle de la mise en oeuvre des lois, il fixe les impôts ce qui détermine l'enveloppe globale des dépenses et autorise les emprunts.

Il désigne les juges en avalisant les choix de la commission judiciaire interpartis, une commission informelle, souligne son président, une commission illégale estime Eric Stauffer.

Il participe encore, concurremment avec d'autres autorités, à la désignation des organes de la gouvernance des régies publiques. C'était un des objets contestés de la loi de 65 articles débattue vendredi soir. Le MCG et les socialistes veulent le maintien de la représentation des partis et le droit pour les membres des conseils d'administration de rapporter à leur parti.

Sur ce dernier point, la droite et les Verts ont tort d'écarter les politiques des conseils d'administration de régies publiques et partant toutes relations directes entre les usagers et ces services publics délégués. S'ils veulent plus de compétences, pourquoi n'instaure-t-ils pas une commission interpartis chargée de présélectionner les élus? Mais là n'est pas le principal.

La carence principale de la loi 10679 est de ne pas doter ces établissements de véritables assemblées générales. Elles devraient être composées de délégués des usagers. Le cercle électoral pourrait être transfrontalier, notamment pour les TPG, les SIG (qui gèrent ou livrent des services à Annemasse, Nyon, aux Pays de Gex, etc). Une fois l'an l'assemblée générale serait l'occasion d'une véritable mise en question par les délégués des usagers de la gestion de ces entreprises à 100% publiques.

2) Pourquoi le parlement fonctionne-t-il au XXIe siècle comme du temps des Grecs (anciens)?

A l'heure de l'internet, il est assez pitoyable de voir que, partout ou presque dans le monde, le processus parlementaire de l'élaboration d'une loi se déroule de la même manière depuis des siècles. Un débat d'entrée en matière, un renvoi en commission et trois lectures au parlement. Ce processus est-il le plus efficace? Nous garantit-il les meilleures lois, la meilleure gouvernance possible? Je laisse à chacun le soin d'y répondre.

Existe-il seulement un organisme à Genève - si fier de disposer d'une Cour des comptes, d'une commission d'évaluation des politiques publiques, d'un inspectorat interne, d'une commission de gestion parlementaire - existe-t-il un organisme qui évalue le travail du parlement? Non, bien sûr. Ces messieurs (et dames) les députés sont (comme les professeurs) au-dessus de toute idée de contrôle et d'évaluation de leurs services par un organe indépendant. Et ne me dites pas que le peuple joue ce rôle. Je parle de la qualité des lois, de la cohérence de la législation, de son économie et de son efficacité.

La lecture silencieuse - sans débat - et les votes de la loi sur la gouvernance des régies publiques furent la démonstration que le Grand Conseil pourrait supprimer ou pour le moins simplifier la phase des trois lectures des projets de loi ou celle des travaux en commission.

Les cent députés et leur nouveau président ne sont pas directement en cause. Ils ne font qu'appliquer la loi sur le Grand Conseil que leurs prédécesseurs ont voté. Mais la mascarade de vendredi soir m'incite à interpeller les Constituants et les ingénieurs en science politique. Pourquoi les paie-t-on? Pour que ça fonctionne mieux après qu'avant. Que proposent-ils? Comment la machine à fabriquer des lois peut-elle être améliorée?

A suivre

 

* Qu'en pensent les autres députés. Le président fraîchement élu Pierre Losio et les présidents sortants Renaud Gautier, Guy Mettan, Eric Leyvraz, Loly Bolay nous préparent-ils un débriefing?

 

 

 

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