Le pont donc, what else? (12/04/2011)

Comment faire sortir le pont du lac?

En politique il y a plusieurs stratégies de communication pour faire aboutir un grand projet. Pour rester à Genève, outre les méthodes classiques de la démocratie directe - projet de loi du Conseil d'Etat plus rarement du Grand Conseil et plus rarement encore initiative populaire - il y a les méthodes Segond, Cramer et Muller: la méthode byzantine, celle de la démocratie militante et celle de l'expertocratie...

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La méthode Segond ou la méthode de cabinet.

Elle consiste à créer une commission d'experts dans le secret des cabinets avec interdiction pour ses membres habilement choisis dans tous les partis et milieux syndicaux de piper mot à l'extérieur. Parallèlement le chef du département entretenait des journalistes de ses amis et quelques députés et hauts fonctionnaires influents de la marche du projet. Lequel mûrissait à l'ombre de la tour Baudet et sortait enfin au grand jour tout ficelé ou presque soit via le Conseil d'Etat, soit via la commission ad hoc du Grand Conseil. Tous les projets n'étaient pas saufs pour autant. On se souvient du couac du Rhuso qui devait marier les hôpitaux de Genève et de Lausanne.

La méthode Cramer ou la méthode de la démocratie militante.

Elle a connu son apogée avec le projet d'agglomération I. Engagé au pas de charge - Genève a failli rater le train de la loi fédérale de financement des infrastructures d'agglomération de 2006, dont le canton avait profité d'une belle tranche découpée en urgence pour le CEVA - le projet d'agglo a fait la part belle à la consultation des forces vives de la nation rebaptisées société civile. J'ai participé à quelques-unes de ces grands messes, où l'on retrouvait les grosses associations de l'environnement, les syndicats, les associations économiques, mais pas les partis politiques, sauf côté français où les élus étaient mieux représentés que côté suisse.

Du coup la droite qui politise à l'ancienne, via les structures de la démocratie représentative, s'est vite retrouvée piégée par le militantisme des roses, rouges, verts et des syndicats. Le projet d'agglo a décroché les financements des trams. Les bureaux d'architecte étaient aux anges, le génie civile avaient du boulot et le Grand Conseil s'est transformé en chambre d'enregistrement. Pour le reste le projet d'agglo montre ses limites, puisque, côté logement et emplois également répartis des deux côtés de la frontière, on est loin du compte.

La méthode Muller ou la méthode de l'expertise.

pont de genève variante 1.jpgMark Muller, mandaté par la droite du Grand Conseil en janvier 2008 pour étudier une grande traversée du lac du Vengeron à Vésenaz, a rendu hier un rapport de 199 pages tout à fait intéressant. Le doigt sur la couture du pantalon, le ministre des infrastructures s'est pliée au diktat de Berne qui interdit au canton - dixit le rapport - de penser ladite autouroute dans la région (!). D'où cette incroyable épingle à cheveux et ce raccordement sous Thônex sur l'autoroute blanche. Le rapport sort directement des bureaux des ingénieurs et des experts, sans aucune consultation populaire ni annonce préventive. Sans information non plus de quelques leaders d'opinion.

Le pavé est dur à avaler, mais vaut la lecture. Les 135 premières pages expliquent au quidam pourquoi le pont s'impose. Sur ce point le rapport paraît convaincant. Les pages suivantes expliquent que la construction d'une nouvelle autoroute a des conséquences sur l'aménagement du territoire. On a le sentiment que le dialogue entre les experts du pont et les urbanistes du projet d'agglo n'a pas été d'une grande intensité pour ne pas dire d'une franche hostilité. A vérifier.

Pour lire le rapport sur le pont de Genève 2030, cliquer ici. [cliquer sur les images pour les agrandir]

 

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