Le devoir de voter et la règle du 1/10/100 (04/04/2011)
80% des Genevois ont voulu une Constituante, ai-je écrit dans un post récent pour dire combien j'estimais déplacée la critique soudaine et abrupte du Conseil d'Etat à l'avant-projet concocté certes dans la douleur par la Constituante, alors que le gouvernement mandaté par le peuple n'a jamais levé le bout du petit doigt pour favoriser le débat citoyen sur les règles du vivre ensemble que les 80 élus ont mission de rédiger d'ici juin 2012.
Un internaute a relativisé récemment ce plébiscite en faisant remarquer que 36% des électeurs seulement auraient rempli leur devoir électoral. Et que donc moins de 30% des citoyens avaient, en réalité, soutenu la révision totale de la Constitution. Son petit calcul est récurrent et désagréable. Il est également faux.
Le 24 février 2008, en effet - on votait aussi sur les chiens, la fumée et le bruit des avions - 61% du citoyens genevois sont allés aux urnes. Je ne sais d'où Dominique de Goumois tire son chiffre de 36%. Il vrai cependant que, six mois plus tard, l'élection de l'assemblée constituante n'a mobilisé que 32% des citoyens, un taux de participation misérable. Pas si éloigné cependant du taux de participation des récentes élections dans les grandes communes: 36% en Ville de Genève.
L'abstention est en effet un mal endémique. Même si le vote par correspondance a quelque peu rétabli des taux de participation meilleurs, le sens civique des suisses n'est pas toujours exemplaire. Les élections davantage que les votations, à l'exception de celles qui ont pour cadre les petites communes, ne drainent plus qu'entre 35 et 45% du corps électoral. La Chancellerie s'est réjouie le 13 mars dernier d'une hausse de la participation avec un score moyen cantonal de 39%.
Le 13 mars dernier, 61% du corps électoral genevois ont boudé les urnes. Il suffit de surcroît de considérer qu'à Genève, le corps électoral comprend moins de la moitié des habitants du canton, pour mesurer combien la démocratie populaire genevoise est en effet atteinte d'une grave maladie. Une maladie d'autant plus pernicieuse qu'on n'en souffre pas. Un peu comme cet excès de poids, dont nous serions tous menacés.
Pourtant le vote obligatoire ne figurera sans doute pas au nombre des devoirs qui figureront dans la nouvelle Constitution. L'air du temps n'est guère propice à lister les devoirs des citoyens. A l'exception du paiement des impôts, dont beaucoup de Genevois sont exonérés faute de moyens suffisant, il n'y a guère d'obligations dans la nouvelle Constitution. On y trouve davantage de droits.
Dans un récent billet, le médiateur Edipresse évoque le petit bouquin de Dominique Cardon La démocratie internet. Promesses et limites. Daniel Cornu est séduit par l'idée d'une démocratie non plus élective - résultat arithmétique du cumul des voix des citoyens anonymes - mais sélective - promotion des projets les plus pertinents à la manière des études scientifiques dont la valeur est proportionnelle au nombre des citations. Un processus qui ne va pas sans générer une pratique de citations croisées ou en boucles infinies. Bref la sélection n'échappe pas au vertige du populisme.
Dans une note d'octobre 2010 sur le même bouquin, Marin Dacos souligne lui la force des coopérations faibles, celles qui sans prétention se contentent d'éliminer une faute d'ortographe dans l'immense encyclopédie Wikipedia. Celles plus anecdotique encore de ces internautes qui dans les profils Facebook se contenten de cliquer sur le bouton "I like". Certains voient dans ce bouton le degré zéro de l'argumentation. Cardon et Dacos veulent y voir un degré minimal de participation à ne pas négliger. Car, rappellent-ils, l'internet fonctionne selon la règle 1/10/100: "une fraction de contributeurs est très active, une petite minorité participe régulièrement et la masse n’apporte pas de contribution décisive".
Une image de la démocratie...
22:30 | Tags : cardon, cornu, dacos | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
A Genève ce sont les fonctionnaires, qui représentent environ 30% de la population, qui vont voter, et ils votent tous uniquement pour leurs propres intérêts!
Très égoïstement devrais je dire, on voit les résultats!
Ce sont les mêmes qui ont vociférés mercredi soir à UNI 2, lorsqu'on a cité les noms des papables de gauche!
Après on apprend par la Tribune qu'il y a des problèmes à l'Office de l'emploi, à la Cour des comptes, et partout ailleurs dans les administrations!
Écrit par : dominiquedegoumois | 06/04/2011