Heureux les pauvres! (27/02/2011)
On ne compte plus les études, les articles, les thèses, les indignations qu'alimente la pauvreté! Le sujet est éternel et il n'est pas près de disparaître de nos écrans télé. Chez nous, la pauvreté est souvent médiatisée. C'est que nous ne l'aimons pas, la pauvreté. Elle nous fait peur. Elle nous agresse. Sans doute nous renvoie-t-elle à nos origines, quand nous étions nus, quand nous étions heureux d'avoir ou d'être notre pain quotidien.
Nous demandons donc à nos gouvernements de bien la cacher, la pauvreté, de lutter contre, de l'effacer. De nos villages et de nos quartiers.
Quand elle surgit néanmoins, s'agenouille dans la rue, frappe à notre porte, tend la main, elle fait la une des journaux, remplit le courrier des lecteurs. Mais, attend-on alors, que font la police, les services sociaux, les garde-frontières? Ne paie-t-on pas assez d'impôt? Que n'installe-t-on pas des caméras de surveillance tout partout? Allons-nous devoir suivre des cours d'auto-défense, créer des vigiles de voisinage, nous armer? Tel est une des actualités de la pauvreté.
La pauvreté a mille visages. Toujours tapie au coin de nos êtres, prête au moindre accident de la vie à nous aspirer dans sa spirale infernale, dans la solitude, à dresser des murs d'indifférence plus implacable que ceux d'une prison. Au pire, on évite les pauvres comme s'ils étaient contagieux. Au mieux, on laisse tomber de temps en temps deux francs dans le bol de la misère ou l'on écrit 100 francs sur un bulletin de versement rose ou orange de La Poste.
Françoise est venue cette semaine frapper à ma porte. Elle vit dans une voiture depuis quelques années, utilise les commodités publiques. Elle réclame un bout de terrain alentour pour y construire un cabanon. « Juste un petit rien », dit-elle dans un grand sourire plein de confiance. « J'y serais heureuse. Dans une HLM, je meurs. » François a une famille, mais sa famille l'a rejetée. C'est ce qu'elle dit... J'ai refermé ma porte.
La pauvreté a des visages étranges. Fermer la porte, elle rentre par la fenêtre. Elle occupe des bataillons de politiques, d'associations, de travailleurs sociaux, de bénévoles. Pour certain, la pauvreté est un gagne-pain. Quel est son chiffre d'affaires? Personne ne sait au juste.
Sur le net, quand vous tapez dans Google "pauvreté suisse", vous recevez 905'000 documents en 0,23 seconde. Le premier est un lien publicitaire de worldvision.ch. L'association, d'origine chrétienne, canadienne, créée en 1950, a collecté 2.6 milliards de dollars en 2009 pour le parrainage d'enfants. Elle dépense 13% des dons reçus à l'acquisition des fonds. Son dernier communiqué de presse annonce: « Le jeu App qui permet de participer virtuellement à l'érection d'un puits pour un projet de World Vision est accessible via Android. » Viennent ensuite :
- swissworld.ch, un site publié par le département de Micheline Calmy-Rey. Il donne cette étonnante définition de la pauvreté: "Etre pauvre, en Suisse, c'est ne pas pouvoir se payer ce que les autres possèdent tout naturellement." Et précise: "Officiellement, le seuil de pauvreté correspond (valeur 2005) à un revenu inférieur à CHF 2200 pour une personne seule ou CHF 4600 pour une famille avec deux enfants . Selon ces chiffres, près de 8,5% de la population suisse vit en dessous du seuil de pauvreté." 8,5%... une information technocratiques qui correspond à 650'000 êtres humains tout de même. Presque la population du canton de Vaud.
- tsr.ch relate la conférence confédérale sur la pauvreté du 9 novembre 2010. Le site de la télévision publique donne cette étrange image de la pauvreté, celle d'un travailleur dont les poches sont vides. Les workings poors - c'est tellement plus smart que travailleurs pauvres - ne sont qu'un des produits dérivés et collatéraux de la mondialisation: baisser les salaires ou délocaliser, entre deux maux, les entreprises n'ont parfois guère le choix.
- caritas.ch publie son manuel sur la pauvreté en Suisse. Les hasards de la recherche font remonter un ancien numéro du journal Caritas Genève. "En Suisse, note le journal, personne ne meurt de faim. Cependant, près d'une personne sur sept ne peut assurer son existence par ses propres moyens. Le Manuel sur la pauvreté en Suisse, publié en mai 2007 par Caritas, donne pour la première fois une vue d'ensemble de la situation de la pauvreté dans notre pays."
Une nouvelle édition vient de sortir. Elle affiche sa couleur en ce temps où l'indignation et la révolte sont à nouveau à la mode: "La pauvreté dans un pays riche comme la Suisse est un scandale social."
La pauvreté est aussi un mystère existentiel. J'ai découvert un groupe sur Facebook... Il ne compte que 74 membres et est inactif depuis 2008...
08:43 | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
Merci de cet article dont le propos éclaire plus qu'il ne prend parti. Il convient de souligner cette attitude, appréciable à l'heure où chacun y va de son point de vue sur tel ou tel fait divers, telle ou telle situation et se hâte de pointer du doigt sans prendre le temps de la réflexion.
L'émotion, certes, ne permet pas toujours d'apporter de solution satisfaisante sinon efficace. Mais l'indifférence ne doit pas non plus prendre le relais et faire oublier ce qui ne peut l’être.
Le risque de mensonge ou de piège demeure, certes, pour celui qui aborde sans préjugé la pauvreté afin d’y remédier, même de manière modeste. Cette attitude, néanmoins, me paraît bien plus louable que l’ignorance et l’arrogance brutales qui ont sans doute amené les plus fragiles à le devenir tout-à-fait.
Bien sûr qu’on ne changera pas le monde en imaginant un jour vaincre à jamais la dureté de certains. Pourtant, parfois, on y arrive et même si une seule personne est concernée et aidée, c'est une personne au moins qui échappe à un sort peu enviable.
Mais à cela, qui y croira sinon celui que l'indifférence n’aura pas gagné, quelque soit le combat à mener contre la misère?
Écrit par : Chant-du-Cygne | 27/02/2011
Son los pobres que van a heredar la tierra, la gente adinerada deberia de dar lo que tienen para no sufrir despues EXELENTE REPORTAJE...
Écrit par : daz lambert | 27/02/2011
Son los pobres que van a heredar la tierra, la gente adinerada deberia de dar lo que tienen para no sufrir despues EXELENTE REPORTAJE...
Écrit par : daz lambert | 27/02/2011
vous oubliez une pauvreté carrément mise de coté,celle du vrai dialogue a visage découvert ,je ne parle pas de la webcam,cet artifice servant souvent à mettre le feu au poudre ,mais le face à face entre deux humains ,cette pauvreté est aussi indigne d'un monde de citoyens possédant des routes et autoroutes pour se rendre du point A jusqu'au point B,et qui répond invariablement,pas le temps,suis pressé,on verra,les minutes,heures s'égrènent et des temps morts de pauvreté linguistique régulent d'un tic tac monotone les journées de gens isolés
bonne soirée à vous
Écrit par : lovsmeralda | 27/02/2011
le patron de Caritas gagne environ 150'000.- par année, alors quand vous allez acheter cher Caritas, pensez y!
Écrit par : dominiquedegoumois | 28/02/2011
Le directeur de Caritas gagne environ 150'000.- de salaire annuel, souvenez vous en quand vous y aller pour acheter un joli p'tit pull à 15.-!
Écrit par : dominiquedegoumois | 28/02/2011
IL semble que de dire que le dirlo de Caritas gagne 150'000.- par année géne quelqu'un!
Cencure!
Écrit par : dominiquedegoumois | 01/03/2011