La presse écrite craint de devoir rendre des comptes. A-t-elle le choix? (26/11/2010)

logo forum.pngOn veut bien être soutenu, mais on ne veut pas trop rendre des comptes. Telle est la tonalité du premier débat de l'après-midi du Forum organisé par l'Université de Fribourg en partenariat avec Impressum sur le thème "Etat et médias dans la démocratie".

En clair, l'Etat peut aider la presse d'information générale et politique qui est consubstantielle à la démocratie (un postulat qui reste à démontrer), mais les fonctionnaires ne doivent pas mettre leur nez dans les rédactions. C'est ainsi que fonctionne la SSR, dit Hans-Jürg Fehr. Editeur et journaliste,  l'ancien président du Parti socialiste suisse se réfère au modèle de gestion de la radio et télévision publique. Ce modèle garantit une certaine qualité des émissions sans que les politiques ne puissent mettre leur nez dans les studios pour en dicter la politique éditoriale. Cela vaut mieux que les contraintes dans lesquelles se débattent désormais tous les éditeurs de journaux et qui les conduit à des compromissions avec les annonceurs.

Un mélange des genres qu'a dénoncé le vieux sage Karl Lüond dans un propos liminaire. Le publiciste récolte facilement les applaudissements d'une audience surtout composée d'étudiants, lorsqu'il dénonce les conditions de travail des journalistes dont on attend qu'ils soient des petits Léonard de Vinci, et ne font en fait que se balader, souvent réduits à recopier les dossiers de presse rédigés par... d'anciens confrères. C'est sa première critique en fait du publiciste: Trop de journalistes chevronnés quittent la profession pour le confort des agences de com ou la pénombre des services de communication des politiques.

La table ronde tourne rapidement en rond. Comment peut-il en être autrement? Les thèmes sont assez bateau pour que le débat tangue dans tous les sens. Jugez plutôt: Médias et démocratie, économie et qualité, contrôle de qualité oui ou non.

Les deux représentants des éditeurs, Pillard pour Ringier et Rothenbühler pour Edipresse (TA), trouvent en gros que tout va bien ou que tout ne va pas si mal. On a des défis à relever, on les relève. On peut certes renforcer la formation, dit Pillard, le regroupement des forces en Suisse romande entre les Université de Neuchâtel, Fribourg et Genève s'impose, sans que l'on ait besoin d'ergoter sur le rôle de l'Etat. "Les gratuits sont aujourd'hui ce qu'était la Tribune de Lausanne quand j'ai commencé dans la métier" dit encore l'ancien journaliste devenu patron. On publiait beaucoup de dépêches d'agence et assez peu de papiers maison.

Norbert Neininger, éditeur et rédacteur en chef des Schaffhauser Nachrichten, répète en boucle que l'Etat doit garantir la liberté de presse. Et que c'est au lecteur de décider ce qu'il veut. Ce qui permet à l'animateur du débat Roland Jeanneret cette remarque jamais entendue... "les peuples ont la presse qu'ils méritent".

Fehr relance la discussion et défend que "les journalistes ne doivent pas écrire ce que les gens veulent entendre mais ce qu'ils doivent entendre". Rothenbühler monte au créneau, dénonce cette prétention de la gauche d'un journalisme prescriptif, rebondit sur ce qui vient de se passer à la Balser Zeitung, dont l'éditeur Tettamanti, proche de Blocher, vient de jeter l'éponge sous la pression des lecteurs qui se sont coalisés pour défendre leur journal.

Christian Campiche constate que les journalistes sont victimes des investissements lourds dans les rotatives. Le représentant des journalistes parle d'une presse "copulaire" à propos des gratuits, qui balancent quasi quotidiennement des meurtres en première page. C'est sans intérêt politique. Il dénonce aussi la tendance des journaux à devenir des catalogues de vente.

A la question un peu académique de la salle : est-on éditeur pour fabriquer un bon journal ou fabrique-t-on un bon journal pour améliorer sa marge. "Faut pas rêver" dit Pillard sur un ton villepinien: "C'est fini les journaux qui vivent de leurs seules qualités.

- ça n'a jamais existé dit une voix dans la salle.

Les éditeurs, poursuit  le directeur des éditions Ringier Suisse romande, doivent se financer ailleurs.  Pour financer Le Temps, qui est un quality paper, il faut vendre des salades via Betty Bossi. C'est la réalité économique.

- Quelle horreur, soupire une auditrice au sommet de l'amphi.

Sur le sujet de l'aide à la presse quelques liens intéressants collectés au vol en marge de l'écriture en direct de ce billet

 

 

 

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