Les médias passent de la cantine à menu unique au menu à la carte. Quelle découverte ! (26/11/2010)

corps visible fribourg.pngLes médias passent de la cantine à menu unique - un même journal au contenu défini par les seuls journalistes, diffusé à des centaines de milliers d'exemplaires -  au menu à la carte: le nouveau média-mix: un éditeur regroupe ses troupes dans une newsroom. Ils fabriquent les news 24h sur 24 et des aiguilleurs les emballent dans la forme propre aux différents supports de diffusion à disposition, print, web, payants, gratuits, etc.

Quelle découverte !

Je résume très synthétiquement le propos du prof Dominique Bourgois (Uni Fribourg). Mon résumé est sans doute trop sévère en regard de son CV.

N'empêche, le discours ex-cathedra de la  spécialiste en économie des médias ouvre le Forum Etat et médias dans la démocratie coorganisé par le Département média, l'Institut du fédéralisme et Impressum, ce 26 novembre à Fribourg, ne justifie pas vraiment de m'être levé à 6 heures ce matin.

Rainer Stadler n'est pas beaucoup plus réveillé que moi. De sa voix rocailleuse, le responsable de la rubrique média de la NZZ (partenaire de la Journée)  improvise dans un allemand mâchouillé une présentation "vite fait sur le gaz".

Dominique Bourgeois puise ses références dans le pif, le paysage imprimé français. C’est en effet un défi que les académiciens ont de la peine à relever que celui d’analyser les médias électroniques dont on sait qu’il détermine bien davantage le prêt à penser que les journaux imprimés, qui en France n’existe plus qu’à coup de perfusion capitalistique et de subventions plus ou moins directes de l’Etat.

Bourgeois projette une statistique, dont je n’ai pas retenu la source (les slides en anglais ne sont pas disponibles ni sur papier ni online, quand donc les universités se mettront-elles à la page de la formation interactive?): 58% des Américains tirent leur information des TV 44% via les différents canaux mobile, 34% via internet et moins de 25% par les journaux et magazines

Bourgeois cite la dérégulation en cours (télécommunications Act de 1996 aux Etats-Unis relève aussi que les médias au sens classique ne représentent qu’un infime secteur du secteur des télécoms.

La presse d’information générale est essentielle à la démocratie. Bourgeois pose ce postulat comme acquis. A-t-elle un fil twitter, un blog, est elle connectée à Facebook, Linkedin ?

On a droit à l’histoire de la presse imprimée française depuis la guerre. Bourgeois s’en sert pour définir un modèle le modèle subventionné- la subvention étant justifiée par le maintien de la diversité des titres. Le nouveau modèle en vogue qualifié de low cost fondé essentiellement sur la publicité et la réduction des coûts de production, de même que les médias en ligne augmentent leur audience sans avoir pu démontrer leur pérennité à long terme.

Pour Bourgeois le low cost fait la fortune en termes d’audience de 20 Minutes et de Métro qui annoncent 2,5 millions de lecteurs contre 1,5 millions pour le Monde. Sur 65 millions de Français ce n’est pas terrible.

Une idée est en train d’émerger. L’économie d’envergure fondée sur un média mix adapté aux différents segments du marché mêlant gratuité et payant, online et print, mobile et statique. Ce modèle devrait prendre le pas sur le modèle de la scale economy de la production de masse, de la diffusion d’un journal unique à des centaines de milliers d’exemplaires. Bref les médias passent de la cantine à menu unique au menu à la carte. Quelle découverte !

Rainer Stadler: Les entreprises de presse trouveront-elles leur salut dans des niches économiques non médiatiques?

Alors que le quotidien radical de la métropole lémanique a dégommé son président - trop peu agressif sur le marché des médias - et s'apprête à accueillir le très sélect et banquier  privé Konrad Hummler, qu'on dit proche de l'UDC - Rainer Stadler projette un premier graphique éloquent : le cours en bourse de la NZZ qui après une envolée autour de l'an 2000 est retombé à son plus bas et n'est pas près de quitter ce niveau.

Suivent d'autres graphiques (niveau 1 Excel),  difficilement compréhensibles - trop complexes ou trop riches en information  et de surcroît inadaptés à la dimension de la salle G140 où une petite centaine de personnes ont pris place sagement.

Bref le propos recouvre largement celui de Dominique Bourgeois. La presse imprimée - c'est d'elle que dépend l'avenir de la démocratie (postulat non démontré) -  reculent depuis 5 ans : Blick -18%, TA - 12*, NZZ -9%. Aucun journal romand n'est cité... Mais, cocorico, la Suisse est le plus gros consommateur de gratuits par habitants d'Europe. En oute, ils passent 20 à 30 minutes à lire le journal  et seulement 6 ou 7 minutes à s'informer sur le net. Assistera-t-on à une nouvelle dynamique grâce à Apple iPhone et iPad et leurs petits copains Adroïd et consorts ? La Suisse est en retard sur l'Allemagne où 6,7% de la pub est déjà online quand la Suisse n'atteint pas 2,5% (évaluation Prognos nov 2010).

Stadler introduit le blog comme concurrent, Google comme compresseur, l'émiettement de l'audience et l'offre non médiatique (single.ch), la politique des gros annonceurs (swissmik, Microsoft) qui snobent les journaux imprimés.

Stadler bâcle la fin, il n'a pas respecté son crédit temps, les slides (non disponibles online et non proposé en imprimé) défilent. Dommage on arrivait au plus intéressant.

Qui doit payer ? L'Etat ?

Les journaux doivent investir de nouveaux marchés non médiatiques : idéescadeaux, Betty Bossi, Ticket Corner sont dans la galaxie de Ringier. Les participations online du TA atteignent déjà 100 millions de chiffres d'affaires.

Débat

Quand donc les quotidiens disparaîtront?

Bientôt répond Dominique Bourgeois encore que le e-book ne sont pas encore des alternatives séduisantes au papier. Le journal Le Monde est une institution une marque qui trouvera sans doute encore longtemps des ressources autres qu'économiques."

Christian Campiche demande un brin ingénu: est-ce qu'un éditeur peut encore être un mécène, un idéaliste? Un journal au fond c'est un peu sa danseuse.

Dominique Bourgeois nuance. Il y a aussi des groupes de pression, des entreprises, des capitalistes derrière les journaux. En revanche, les jeunes décrochent et en ont marre de la même soupe diffusée par les médias.

Edgar Bloch: Que pensez-vous du modèle d'affaires du journaliste d'enquête que tentent de construire Rue 89 ou Médiapart?

Dominique Bourgeois: C'est un mocèle d'affaires qui tient à la notoriété de quelques journalistes qui sont en fait des marques. Economiquement c'est très vacillant. Mais c'est sans doute important pour la démocratie. Ce n'est sans doute pas généralisable. Un autre intervenant explique que Rue 89 est financé par des fonds d'amis et en partie par les bénéfices réalisés dans la création de sites internet (Nouvel Obs), mais qu'il ne tourne pas actuellement.

 

PS: J'illustre ce premier billet avec une image copiée sur la page d'accueil de l'Uni de Fribourg. Elle renvoie à un autre colloque organisé à Fribourg: la Journée de la Société Suisse pour la Science des Religions «Corps visibles, corps invisibles». On n'est pas très loin des médias dirait le médiologue Regis Debray.

 

 

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