A zurich, l'abandon des forfaits fiscaux dégonfle la bulle immobilière. Et à Genève? (17/08/2010)
Les Zurichois n'étaient pas les champions suisses des forfaits fiscaux qui permettent à de riches étrangers sans activités en Suisse d'échapper au fisc de leur Etat national. L'abolition de cette disposition crassement inégalitaire à la suite d'une initiative adoptée à la surprise générale en février 2009 fait apparaître une retombée positive.
Le Tagesanzeiger la signale sur son site internet cet après-midi: "Die Zeit der Preisexzesse ist vorbei" (Le temps des prix excessifs est passé). Le "canton centre" a perdu 30 de ces 200 bénéficiaires d'un forfait fiscal à fin juillet note le quotidien zurichois. Du coup, le prix des biens immobiliers les plus cotés sont redescendus.
A Genève, on attend avec impatience le rapport de majorité contre le projet de loi socialiste déposé le 19 mai 2009. La radicale Patricia Lässer traîne les pieds, note le président de la commission l'UDC Stéphane Florey, qui espère que la députée ne ratera pas la prochaine échéance du 7 septembre.
On n'imagine pas la Chambre genevoise immobilière lancer une telle initiative. Encore que la préservation des intérêts durables de ses membres devrait inciter son comité à prendre des mesures afin d'empêcher un nouveau jeu de l'avion et une bulle spéculative. A gauche, les Jeunesses socialistes sont trop occupées à faire entrer des signatures pour leur initiative 1/12 pour la limitation des salaires.
Quelques jours après le vote des Zurichois, la droite genevoise a allumé un contre-feu en déposant le 19 février 2009 une motion 1871 demandant au Conseil d'Etat de défendre les forfaits fiscaux pour alléger la charge fiscale des familles genevoises. Trois mois plus tard, les socialistes Alain Charbonnier, Lydia Schneider Hausser, Anne Emery-Torracinta, Laurence Fehlmann Rielle, Mariane Grobet-Wellner, Françoise Schenk-Gottret, Elisabeth Chatelain, Alain Etienne, Geneviève Guinand Maitre, Loly Bolay et Virginie Keller ont déposé un projet de loi 10494 demandant l'abrogation des forfaits fiscaux. Les rapports de minorité sont déposés depuis longtemps, indique le président de la commission Stéphane Florey.
Du côté de la Constitante, la commission 5 a refusé la thèse «Les forfaits fiscaux sont interdits» par 7 non, 5 oui et 3 abstentions. On lit ceci dans le rapport de Michel Ducommun:
"Suite à la proposition de 5 membres de la Constituante (Soli Pardo, Albert Velasco, Christian Grobet, Souhaïl Mouhanna, Nils de Dardel), notre commission a mis ce sujet à l’ordre du jour, et a voulu auditionner le chef du département des finances, M. David Hiler, avant de prendre position.
M. Hiler ne pense pas que les forfaits fiscaux soient défendables du point de vue des principes, mais il estime qu’une décision de suppression prise isolément par Genève serait problématique pour les raisons suivantes:
- Il ne faut pas négliger les quelques dizaines de millions que rapportent chaque année ces forfaits, auxquels se rajoutent les impôts de successions qui peuvent être du même ordre de grandeur ou même nettement supérieurs.
- Une suppression unilatérale augmenterait l’inégalité fiscale entre cantons, sans oublier qu’une négociation au niveau international devrait être envisagée, la Suisse étant loin d’être la seule à offrir de tels avantages fiscaux pour attirer de riches résidents.
- La suppression des forfaits peut être envisagée, mais elle doit être préparée, négociée et résulter d’une harmonisation au niveau suisse et international.
On lira pp. 25 du rapport 509 l'argumentaire à l'appui des deux thèses de minorités identiquement libellées "Les forfaits fiscaux sont interdits", thèses défendues par Alberto Velasco, Melik Özden, Michel Ducommun et par Souhaïl Mouhanna, ainsi que la thèse de compromis déposée par Jérôme Savary, Andreas Saurer, Boris Calame, Melik Özden, Michel Ducommun libellée ainsi "L’Etat oeuvre à l’harmonisation fiscale entre les cantons et les communes."
14:40 | Tags : forfaits fiscaux, impôt, concurrence fiscale, harmonisation fiscale | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Bonsoir Monsieur Mabut,
Sur le principe, je suis opposé aux forfaits fiscaux. Toutefois, affirmer que
"l'abandon des forfaits fiscaux dégonflerait la bulle immobilière" me laisse songeur ...
A Zurich, ces forfaits étaient octroyés à 137 personnes en 2006 (source site Swissinfo.ch) : http://www.swissinfo.ch/fre/actualite/Surprise!_Zurich_supprime_un_privilege_fiscal.html?cid=526776
Le nombre des bénéficiaires se montait, selon le Tagesanzeiger cité dans votre article, à 200 en juillet de cette année (2010).
Il y a une année environ, selon une citation de M. Xavier Oberson expert fiscaliste interviewé par la RSR, les ressources fiscales provenant des forfaits fiscaux se montaient à environ 6 millions CHF pour Zurich, ce qui représentait moins de 0,5 o/oo (0,5 pour mille) des recettes de ce canton (env. 11,5 milliards de CHF).
Pour Genève, les ressources fiscales provenant de ces forfaits se monteraient selon M. David Hiler, interviewé par la RSR il y a une année environ, à 60 millions CHF et représentait selon lui environ 1 % des recettes de ce canton (8,6 milliards CHF en 2008).
Certes me direz-vous, mais quels rapports avec les effets sur la bulle immobilière ? Aucun à priori, car :
1° La suppression des forfaits fiscaux ne signifie pas le départ de la totalité des bénéficiaires de ces forfaits, ni surtout la vente de leurs biens immobiliers à Zurich ou à Genève. Le Tagesanzeiger parle de 30 départs sur 200 à Zurich, ce qui est peu.
2° La demande immobilière étant actuellement très forte, les biens cédés par les bénéficiaires de forfaits fiscaux ont toutes les chances de trouver des acheteurs parmi les dirigeants de grands groupes qui viennent s'installer aussi bien à Zurich qu'à Genève.
Pour ma part je pense que l'affirmation selon laquelle la baisse des biens immobiliers les plus cotés serait due exclusivement au départ de 30 bénéficiaires de forfaits fiscaux ne me semble pas très sérieuse ni rigoureuse.
Pour s'en convaincre, il faudrait mener une étude et étudier la corrélation entre cette baisse, la situation du marché de l'immobilier, la situation économique, la fiscalité, etc.
S'imaginer que l'on puisse s'en inspirer à Genève pour faire baisser les prix de l'immobilier relève du fantasme, ou presque ...?
Par ailleurs la demande actuelle ne correspond absolument pas aux objets susceptibles d'être mis sur le marché.
Cordialement !
Écrit par : Jean d'Hôtaux | 18/08/2010