Gaillot 125, Broulis 95! (17/03/2010)

DSC04535.JPGIncroyable, mais vrai, l'évêque de Partenia - un hypothétique évêché du désert algérien - où Mgr Gaillot, ancien évêque d'Evreux, a été banni pour s'être opposé à l'énergie nucléaire et avoir défendu les objecteurs de conscience - c'était au temps du général de Gaulle - Mgr Gaillot donc a déplacé plus de Genevois que quatre conseillers d'Etat, dont trois présidents en exercice: les Vaudois Broulis. élu pour 5 ans, le Bâlois Morin. élu pour 4 ans, et le Genevois Longchamp, élu pour une année.

Ils étaient plus de 120 les paroissiens, protestants et catholiques mélangés, réunis dans la ronronnante église de Troinex (ronronnant le chauffage guère efficace) à l'invitation du groupe oecuménique de Genève sud, lequel râtissent les chrétiens de Veyrier à Plan-les-Ouates et au-delà. J'y ai même rencontré un constituant.

Il n'était pas cent les Genevois ameutés par la Tribune à se rassembléer dans une aula ténébreuse d'Uni-Mail venus écouter sept spécialistes de la gouvernance des cantons. Aux trois présidents déjà cités étaient associés David Hiler, président du Conseil d'Etat sortant, Lionel Halpérin, président de la commission 3 de la Constituante et le politologue Pascal Sciarrini.

Sous la houlette de Pierre Ruetschi, rédacteur en chef de la Tribune, ils ont devisé sur la meilleure réforme qu'il convenait d'installer à Genève pour augmenter l'efficacité du gouvernement genevois. On trouvera ci-dessous mes notes prises au vol et donc un peu brut de coffrage.

Je n'ai donc pas assisté à la conférence de Gaillot. Une conférence sur la prière aujourd'hui. Une conférence impossible a-t-il dit d'emblée m'a-t-on rapporté sur le coup de 22 h. Deux heures de chuchotement qui ouvrent le coeur, m'a dit une autre personne. Merveilleux s'est exclamée une troisième. Personnel a commenté une quatrième. Dame la prière n'est pas une formule constitutionnelle. Mais ceux qui la pratique m'assure que c'est un bon reconstituant....

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La gouvernance genevoise donc. Nous sera-t-elle service à la sauce vaudoise ou à la sauce bâloise? La différence? Je l'ai déjà évoquée dans la Gazette de la Constituante en chroniquant le voyage d'études qu'a entrepris la Constituante à Bâle vendredi 12 mars dernier. En gros, Vaud a renoncé à créer un département présidentiel allégé et à l'élection du président par le peuple, ce qu'a fait Bâle.

Hiler ou Longchamp ? Qui présiderait le Conseil d'Etat, si Genève optait pour le modèle bâlois ou  pour le modèle vaudois? Telle était au fond la question posée par la Tribune. La réponse n'a pas été donnée. Evidemment. Pourtant tant Longchamp que Hiler ont plaidé pour une présidence renforcée. Avec un bémol plus prononcé du côté de Hiler.

Longchampse dit d'emblée très heureux de pouvoir exercer cette fonction, mais il se déclare aussitôt intimement concaincu - et ce dès avant d'être conseiller d'Etat - qu'on a atteint les limites du système. Ce n'est plus possible de cumuler la présidence du Conseil d'Etat et la direction d'un département. D'autant qu'à Genève, chaque département est plus lourd que dans les autres cantons. Longchamp ne cite pas le fait que les communes à Genève ne gère que 18% du budget global des collectivités publiques tandis que dans les autres cantons la part des communes est beaucoup plus importante voire prépondérante, sauf à Bâle ou le gouvernement de la Ville et du canton sont fusionnés.

Autre spécificité genevoise, la Genève internationale qui prend beaucoup de temps aussi. Des raisons qui font que Longchamp opte plutôt pour le modèle bâlois du département présidentiel.

Pascal Broulis cumule les fonctions de ministres des finances et de président du Conseil d'Etat pour cinq ans et ne semble pas débordé par la tâche.  En 2002, il s'est retrouvé à devoir mettre en œuvre les 170 articles de la nouvelle constitution vaudoise, adoptée par plus de 70%, le Conseil d'Etat s'étant fortement engagé pour son adoption puis pour son entrée en vigueur, souligne-t-il. Sans doute un clin d'oeil adressé au Conseil d'Etat de Genève qui ne tient pas la Constituante en très haute estime.

Dans le canton de Vaud, poursuit le magistrat radical, il n'y a pas de département présidentiel en revanche la Chancellerie lui est rattachée ainsi que les relations extérieures, ce qui est aussi le cas à Bâle, où Guy Morin est encore maire de la ville et ministre de la culture.

Un cumul excessif, demandé Pierre Ruetschi, rédacteur en chef de la Tribune, en écho aux propos du radical Longchamp?

Non, se défend Broulis qui jouera la petite musique du chic type toute la soirée. On comprend pourquoi il n'est pas devenu conseiller fédéral. Pas assez tueur le Vaudois: "Etre ministre des finances, c'est mettre à disposition de ses collègues les moyens nécessaires à leurs actions. De même, la fonction du président est de faciliter la tâche des membres du collège. L'intérêt de la présidence permanente, c'est la continuité des relations extérieures, de la coordination entre les cantons. La présidence unique amène du calme, un calme nécessaire à une planification. Ça évite de faire des coups en permanence pour exister pour laisser une  minuscule trace dans l'histoire."

A la veille de l'inauguration de la foire horlogère de Bâle Guy Morin se dit heureux d'exposer l'expérience qu'il vit depuis un peu plus d'une année. Une présidence continue. Je suis élu pour quatre ans et suis rééligible. La Constituante bâloise a créé un département présidentiel allégé. J'ai donc des fonctions de représentations très importantes notamment au niveau régional avec la France, l'Allemagne et les cantons de la Suisse du nord ouest (Bâle-Campagne, Soleure, Jura). J'assume la planification de l'Etat et l'administration de la culture.

David Hiler dit vouloir être extrêmement concret. La charge de Conseiller d'Etat réclame une activité de 60 heures par semaine. C'est une évaluation plancher, souligne le magistrat écologiste. "J'avais l'ambition d'être présent dans la Genève internationale. Je me suis retrouvé à pompier de service à devoir régler la question des rémunérations de la police.

" François Longchamp aura aussi des couleuvres à avaler. "Pour l'instant, ajoute David Hiler, suscitant quelques commentaires dans la salle, ça va, les orages ne sont pas trop graves, mais ça va venir. En charge des finances, j'ai aussi dû traverser l'année de la crise de l'année 2008. J'ai eu le plaisir de rencontrer M. Ban Ki Moon, mais ces contacts personnels que j'ai pu nouer - et combien ces contacts sont précieux - sont en fait perdus largement au terme de l'année de présidence. Il en va de même des relations régionales. Il  conviendrait de pouvoir exercer cette fonction sur la durée. Genève y gagnerait sans doute et prendrait moins de risques à rater des occasions. Cependant conclut le ministre genevois des finances, il ne faut pas non plus mythifier ce modèle de gouvernance.  La présidence ne donne pas de pouvoir supplémentaire. On est à mille lieux du gouverneur."

Le libéral Lionel Halpérin, président de la commission 3, se dit chanceux de pouvoir bénéficier de l'expérience vaudoise et bâloise. La commission est sensible au renforcement de l'autorité du collège gouvernemental. Elle aurait souffert de l'attitude de certains conseillers d'Etat, que le jeune libéral ne nomme pas, opposés à la politique voulue par la majorité du gouvernement, le forçant à se contenter d'un plus petit dénominateur commun. La commission est séduite par une présidence renforcée, mais s'est, pour l'heure, réduit à recopier le modèle vaudois.

Le politologue proche du parti socialiste Pascal Sciarini expose un point de vue plutôt critique. Il considère que la présidence renforcée, telle que l'envisage la commission, est un peu courte. Il élargit la réflexion à la gouvernance du Conseil fédéral. Le problème principal n'est pas la surcharge de travail, dit-il, mais le manque de leadership, l'absence de choix opérés par quelqu'un. Et doctement de citer les trois piliers de la gouvernance à la sauce helvétique:

La présidence renforcée doit introduire un peu de hiérarchie dans un système qui ne l'est pas, selon la règle actuelle. Ni Broulis ni Morin n'ont le pouvoir de trancher en cas de désaccord entre deux ministres. Ils ne peuvent que rechercher un consensus. "C'est un mode qui fonctionne par temps calme. Je ne suis pas sûr qu'une présidence simplement renforcée comme l'exercent les Vaudois et les Bâlois pourra mieux gouverner en cas de gros temps. De crise majeure."

Ni Pascal Broulis ni Guy Morin ne répondent au politologue. Sans doute sont-ils trop jeunes dans leur fonction et souhaitent expérimenter complètement la présidence renforcée avant d'en tirer le bilan ou de constater avec le scientifique que le modèle est un compromis inachevé.

"Vaud a vécu une période difficile dans les années 90", analyse Broulis, pour signifier que le gros temps il connaît. Elle aurait pu déboucher sur une dette de presque dix milliards si l'on n'avait rien fait. Cette expérience a en effet motivé les constituants à renforcer la présidence du Conseil d'Etat sans toutefois renoncer à l'essence de la démocratie suisse: la démocratie directe. "A quoi bon une gouvernance renforcée si le peuple qui reste souverai casse sans cesse les décisions prises. On l'a vu encore le 7 mars dernier avec l'échec de la réforme du 2e pilier."

Longchamp rappelle que le Conseil d'Etat genevois s'est engagé à présenter un programme de législature. Il sera prêt en juin. "Nous avons travaillé toute la journée sur le sujet lors de sa journée «au blanc». Le Conseil d'Etat a passée ces deux derniers jour à Lausanne et plus particulièrement au Learning Center de l'EPFL.

Le magistrat radical rappelle aussi que le collège gouvernemental est le fruit du hasard des urnes. "Nous ne nous sommes pas choisis pour siéger ensemble. Pour que la mayonnaise prenne, cela demande des qualités de leadership que l'on ne peut pas attendre de tous les conseillers d'Etat. Ce sont des talents que certains cultivent davantage que d'autres."

Voulons-nous changer de régime ? Abandonner le système de concordance et opter pour des changements de gouvernements tels qu'on les trouve en France, demande Longchamp? Sans doute pas.

Hiler en est aussi convaincu. Il n'est pas possible d'avoir un régime d'alternance dans un régime de démocratie directe. Fazy parlait de la grosse voix du peuple, rappelle l'historien conseiller d'Etat. Il ne faut pas abandonner cette remise à l'ordre. Il y a cependant deux dérives qui nécessitent des corrections. L'Etat a tellement grandi qu'en fait il y avait sept états au sein du gouvernement genevois. "C'est l'œuvre que nous avons conduite au cours de la dernière législature que de refaire un seul Etat, doté de fonctions transversales fortes."

Je remarque in petto que c'est précisément durant les dures années 1990 où les moyens manquaient que la solidarité gouvernementale a passablement volée en éclat. Hiler oublie aussi que la minorité de gauche a longtemps joué pour la  décohésion du gouvernement. D'ailleurs, c'est quand elle a été majoritaire au cours de la dernière législature que la gauche s'est sentie dans l'obligation d'une réunification des sept départements qui se faisaient la guerre. La ville de Genève montre que la guerre peut perdurer malgré une majorité confortable.

Broulis rappelle aussi que l'Etat de Vaud a aussi été victime des guerres intestines. La présidence renforcée apportent un plus dans ce sens.

Sciarini se dit effrayé des propos qui se contentent de l'alchimie des hommes pour assurer la bonne gouvernance. Il en appelle à un système qui les contraindrait, qui les lierait euxs et leurs partis.

Hiler conteste et explique au politologue qu'il y a précisément en Suisse un corps qui est plus fort que les partis, c'est le peuple. Il ne suffit pas d'invoquer les pays nordiques. Là-bas le peuple n'a guère de pouvoir en tout cas bien moins que le peuple suisse.

Un Stauffer, un Sarkozy serait-il possible voire souhaitable en Suisse, demande Pierre Ruetschi?

Sciarini se dit convaincu qu'un régime parlementaire lié à un programme gouvernemental est possible malgré la démocratie semi-directe.

Morin constate que les médias ont tendance à simplifier les débats, à privilgier l'affrontement entre la gauche et la droite, voire entre les membres du gouvernement. Or le rôle de la présidence n'est pas d'être le champion d'une majorité, c'est d'assurer le suivi, le rappel inlassable du programme gouvernemental.

Monsieur Morin, vous avez été élu tacitement, n'est-ce pas un affaiblissement de votre pourvoir, demande le rédacteur en chef de la Tribune?

A Bâle, répond le président écologiste en exercice, la constitution dispose que le président doit être élu parmi les membres du conseil d'Etat. Evidemment, à l'issue de ce premier tour, les conseillers d'Etat bâlois se sont entendus. Ça n'a pas plus aux Bâlois qui se préparent à changer ce système et à faire coïncider l'élection des sept membres et le président. Ce sera sans doute le cas en 2012 déjà.

Et vous Monsieur Brouilis ne rêvez-vous pas d'être élu par le peuple ?

J'ai été réélu au premier tour soit avec plus de 50% des suffrages. A Lausanne, la désignation du président s'est faite tout naturellement. Comme à Bâle. Cela nous a permis de conserver la stabilité.

Difficile d'imaginer me dis-je que le vainqueur et le vaincu siègent de concert durant quatre ou cinq ans dans le même gouvernement

Le débat est ouvert.

Pierre Kunz soutient que la concordance est récente. Pendant tout un siècle, explique le constituant radical, le gouvernement n'était pas pluraliste et il a parfaitement  dirigé ce canton. Mieux que ceux que nous avons connu depuis 20 ans ou 30 ans.

Longchamp évite la réponse et parle de nostalgie qui sans doute haltère notre mémoire. Il s'inquiète bien davantage des propositions de la Constituante qui viserait à soumettre au peuple toute loi dès lors qu'un tiers des députés en ferait la demande.

Sur quoi le président sera-t-il élu? Sur un programme, réintervient Pierre Kunz?

Morin convient que l'élection du Conseil d'Etat et du président simultanément forcera à la création sinon de liste bloquée du moins de coalitions politiques renforcées et antagonistes. La campagne électorale se fera davantage autour de la figure des candidats à la présidence.

Dans beaucoup de canton alémanique, note Broulis, la durée de deux ans s'impose. C'est ce régime que l'on propose maintenant au niveau fédéral. Parallèlement le président du Conseil d'Etat vaudois plaide pour des législatures de cinq ans.

Le constituant écologiste Andreas Saurer ne comprend pas comment on peut concilier le régime d'alternance et le maintien de la démocratie semi-directe. Il doute par ailleurs que le calme, dont le radical Broulis se félicite, ne soit qu'un oreiller de paresse pour ne pas affronter la crise politique que traverse notre pays : l'absence de perspectives politiques majoritaires.

Le constituant Murat Alder rappelle que le Parti radical a proposé le modlèle de gouvernance par une présidence depuis plus de deux ans. Que pensez-vous d'une élection par le Parlement, demande -t-il?

Exclus, s'insurge François Longchamp, nous retomberions dans la quatrième république.

Soit nous élisons tout le gouvernement et son président comme au niveau fédéral soit c'est au peuple de se prononcer, comme on élisait les statèges il y a 2400 ans, surenchérit Broulis.

Halpérin cite encore l'argument entendu à Bâle de la bouche du président de la Cour d'appel qui a expliqué que les Bâlois craignent que les sept ne choisissent le plus faible d'entre eux.

La soirée s'achève autour d'un verre. On ne s'est pas demandé si le mode d'élection du président pourrait ou devrait s'appliquer à la Ville de Genève.

 

22:52 | Tags : broulis, longchamp, morin, gaillot | Lien permanent | Commentaires (2)