Hani Ramadans dénoncera-t-il les agressions contre des musulmans libéraux? (28/01/2010)

rayhana.jpgDeux événements récents m'effraient en France. Rayhana, une comédienne algérienne, a été aspergée d'essence le 15 janvier à Paris par quelques fondamentalistes. Lundi soir, l'imam libéral de Drancy a été menacé de mort par un groupe d'ultras, car il a défendu dans son prêche le point de vue officiel dans l'affaire de la burka. J'ai demandé hier matin à Hani Ramadan de dénoncer ces comportements intolérables.

J'avais rendez-vous avec l'imam du centre islamique des Eaux-Vives, avec qui je bois un café trois ou quatre fois par an. J'aime débattre de la vie qui va ou qui ne va pas et découvrir les motivations profondes des humains dont je ne partage pas forcément les opinions. Nous avons parlé de l'islam, du christianisme, des religions, de philosophie, de l'Etat, des conditions du vivre ensemble aujourd'hui, de la foi de l'un et de l'autre. Une discussion passionnante.

Chacun le sait, l'islam se comprend comme la voie juste dictée par Allah dans le Coran. Tous ceux qui ne sont pas les esclaves de cette voie et ne reconnaissent pas Allah comme le Dieu unique sont dans l'erreur. Ils sont, me dit Hani Ramandan, comme "enfermés dans des pièces que n'éclairent que de faibles lumignons ou de violents néons, mais aveugles au soleil qui brille à l'extérieur et éclaire la communauté musulmane". Mahomet n'a rien inventé, le mythe de la caverne popularisé par Platon est un des fondements de la compréhension du vivre sur cette terre.

Ce qui me préoccupe, c'est le vivre ensemble aujourd'hui.

Force est de constater que chacun croit ou pense être sur la voie juste. Chacun a tendance - plus ou moins - à vouloir convaincre ses proches - à commencer par ses enfants, son voisin, le monde entier, l'autre de le rejoindre ou de le suivre. Les juifs du temps du Grand Israël et peut-être aujourd'hui encore, les chrétiens - catholiques, protestants et autres au cours de leur tumultueuse histoire -  les calvinistes à Genève, les communistes à Moscou ou à Pékin, les libéraux à Londres ou à New-York, les radicaux à Genève, à l'époque du Kulturkampf, les Verts aujourd'hui, personne n'échappe à la dérive de ce qui devient une pensée unique et un comportement citoyen adéquat.

Le problème, c'est le vivre ensemble de tous ces gens qui ont des conceptions et parfois des comportements, justes à leurs yeux, mais parfois antagonistes et qui peuvent heurter ou contester la pensée juste ou le comportement juste d'autres gens.

La liberté de religion, la liberté de pensée, la liberté d'expression, la liberté d'établissement règlent le vivre ensemble dans de nombreux pays. Pas dans tous. Ces libertés postulent que chacun peut croire, penser, publier, se déplacer sans risque, sans que s'exerce sur lui la moindre des pressions ou le moindre signe d'exclusion.

Dans la pratique, ces libertés sont relatives ou limitées: mes libertés s'arrêtent là, où commencent celle des autres et réciproquement. Le respect d'autrui et de sa culture commande aussi - parfois - une sage retenue, une élémentaire politesse, parfois aussi une sain(t)e colère.

J'étais hier matin en colère. L'islam est certainement respectable, mais ses adeptes - plus encore ses guides et ses portes-parole - ne peuvent se taire lorsque des actes d'intimidation et de violence sont perpétrés comme ceux qui sont rapportés ces jours de Paris.

Aucune religion, aucune idéologie n'est à l'abri de ce genre de dérive. L'islam est cependant confronté à un terrible défi. L'incapacité de certains d'accepter une lecture du Coran pour aujourd'hui tient des centaines de millions de musulmans non pas dans la lumière de Dieu mais sous le joug de ses docteurs.

06:40 | Lien permanent | Commentaires (86)