"Vouloir payer moins d'impôt, est-ce moral" (26/11/2009)

sté des arts.jpg"Vouloir payer moins d'impôt, est-ce moral" Etrange question n'est-ce? C'est celle que soumet au débat ce soir à 18 h en son Palais de l'Athénée la vénérable Société des arts et plus particulièrement sa classe de l'industrie & de commerce.

Etrange question, car la réponse est évidemment positive. On ne peut reprocher à personne de s'engager en politique pour, si c'est son choix politique, réduire la pression fiscale et même la réduire à zéro. Au fond les anarchistes se portent très bien sans Etat et le communisme dans sa forme pure propose une nation sans Etat.

On est certes dans l'extrême - que l'on ne saurait qualifier d'idéal - et ce n'est vraisemblablement pas là que nous conduira le débat de ce soir. Seront opposés l'avocat et président libéral Michel Halpérin et le directeur d'une petite entreprise de services informatiques et député socialiste Roger Deneys. J'aurais le plaisir d'animer ce débat.

Moins d'Etat (moins d'impôts), ce fut un temps le slogan du Parti radical suisse dans la foulée des libéraux Thatcher et Reagan.

Aujourd'hui le Parti radical tente de retrouver, à Genève, en particulier où il n'a pas encore fusionné avec les libéraux, les accents républicains voire jacobins de ses pères fondateurs les Fazy James et Henri et Carteret et quelques autres, qui ont mis l'Etat au service de leurs idées (et réciproquement).

L'impôt est donc moral et le taux progressif en fonction du revenu aussi. Et vouloir, à titre individuel, y échapper n'est pas moral.

Qu'un taux excessif ou jugé tel vienne à inciter les quelques malheureuses personnes qui y sont soumis à rechercher des moyens d'échapper au fisc pose deux questions.

La première relève du principe de liberté: si un impôt est si élevé qu'il dissuade une personne à s'installer dans un territoire ou le quitter, alors l'Etat doit en toute logique s'interroger s'il ne convient pas de le baisser pour ne pas perdre cette substance fiscale.

La seconde relève du principe de l'égalité et de la fraternité qui veut que le riche a un devoir de solidarité envers les êtres humains

Car sa richesse ne vient d'aucun mérite de sa part. Son intelligence, sa force de travail, son inventivité, ses talents, que ce soit ceux d'être champion de tennis ou grand directeur d'entreprise, lui ont été donnés par la nature. Même sa force morale, sa rage de vaincre et de créer sont des dons naturels. Même son engagement, son assiduité à l'école, sa ténacité, son ardeur au travail, son goût de l'épargne ou son dédain de la consommation sont des dons naturels. Certes il a pu les augmenter. Sans doute a-t-il résister aux tentations de la paresse ou de la gourmandise (qui consiste non pas à apprécier les bonnes choses mais à s'approprier des biens de sorte que cette consommation prive d'autres humains de leur usage. Le monde occidental est ainsi très gourmand)

Un mot encore sur l'impôt.

L'impôt sert à financer les tâches publiques, c'est-à-dire à réaliser des choses qu'on ne peut faire qu'ensemble: rédiger les codes civils, des obligations, le code pénal par exemple, les tenir à jour et les faire appliquer relèvent manifestement d'une tâche commune, maintenir des relations pacifiques entre les peuples aussi (même s'il n'est pas impossible d'engager des mercenaires dans certains cas).

Traditionnellement la sécurité publique est comptée au nombre des tâches publiques. Les règles générales de police (police sanitaire, police de la circulation, police des moeurs, police des constructions, police contre les pollutions, contre le bruit, etc.) sont aussi des tâches publiques. La construction des grands équipements collectifs, routes, aéroports, stades, théâtres, musées, la lutte contre les incendies et les catastrophes, etc. relève des tâches publiques.

Déclarer que l'instruction est gratuite et obligatoire et favoriser l'accession de tous à un métier est un objectif du bien commun. Nul besoin cependant de disposer d'école publique pour atteindre cet objectif. Même chose pour la santé, la construction des infrastructures.

Je note que les organisateur du débat propose un angle quelque peu différent au débat de ce soir. Ils écrivent dans leur invitation

"En 1860, voulant réformer son système fiscal et déterminer qui, et pour combien, devait contribuer au financement de la société, le canton de Vaud ouvrait un concours sur la nature de l’impôt : Proudhon l’emportait avec sa célèbre « théorie de l’impôt » (que Google a scanné et met gratuitement à disposition des internautes).

"Le Grand Conseil genevois vient récemment d’adopter une réforme impliquant une baisse d’impôt dès 2010. Mais quelle théorie s’applique aujourd’hui en la matière au bout du lac ? Ce qui peut être la réduction d’impôts décriés comme confiscatoires pour les uns prend vite les atours de cadeau fiscal scandaleux aux yeux des autres. L’impôt ! Equité ? Nécessité ? Fatalité ? Vol organisé ? Finalement, est-il moral de vouloir payer moins d’impôt et de s’organiser pour ce faire ?"

A noter encore que ce débat est le deuxième d'une saison qui a commencé le 1er octobre et prendra fin le 20 mai et dont on trouvera le programme ici.

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