CEVA: qui croire? (11/11/2009)
La campagne pour ou contre le crédit de 113 millions nécessaire à la réalisation de la liaison ferroviaire Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse restera sans doute dans les annales genevoises comme l'une de de celle où les vérités, les demi-vérités et les vrais mensonges se seront mêlés tant du côté des partisans que des opposants. Comment expliquer, par exemple, que le budget du CEVA a pu passer de 950 millions en 2002 à 1,47 milliard en 2009 et qu'on ne vote que sur 113 millions?
Les opposants ont été pris au piège d'un plan B. C'est le même que celui qu'ils ont proposé avec leur initiative. Il ont déterré le barreau sud reliant La Praille à Saint-Julien. Pas un inconnu ce barreau sud. Du temps, pas si ancien du conseiller d'Etat radical Ramseyer, c'était l'option phare des Genevois. Vers Annemasse, un tram-train, voire un métro automatique léger - celui de Lille faisait figure de pionnier - devait transporter les banlieusards de la cité frontière au coeur de Genève.
Tous ces projets n'ont pas résisté à l'attrait des millions promis par les CFF en 1912. On ne refuse pas un cofinancement à hauteur de 58%. C'est ainsi que Genève en est revenu à la version lourde du RER Cornavin Annemasse: 17 kilomètres pour six stations, quand le M2 automatique de Lausanne s'arrête quatorze fois sur un tronçon de 5,9 km.
Pas question de construire ce train en surface comme l'avait prévu ses concepteurs à la fin du XIXe siècle. En 100 ans, la ville a poussé, la Praille est sortie des terres maraîchères des alluvions de l'Arve. Cet emplacement au pied de la ville était jugé indispensable alors pour assurer... le transfert modal avec les péniches du Rhône. Cointrin a poussé aussi et est le pôle majeur de développement de Genève, mais CEVA l'ignore forcément comme le montre le plan publié le 25 février dernier par le Conseil d'Etat.
La navigation du Rhône au Rhin devait en effet trouver à la Queue d'Arve un port marchand, avant ou après avoir passé en tunnel sous la vieille-ville ou sous St-Gervais pour remonter via le Léman et la Venoge vers Yverdon et filer jusqu'à Bâles et Rotterdam... [cliquer sur l'image pour l'agrandir]
Le MGBR, le Marseille-Genève-Bâle-Rotterdam est une voie mythique qui verra peut-être le jour un jour. Comme la ligne du Tonkin entre Evian et le Valais ou le CEVA entre Cornavin et Annemasse. Bientôt la ligne des Carpates (ou du Haut-Bugey) mettra Genève à trois heures de Paris via Nantua et Bourg-en-Bresse.
Rêvons encore un peu - comme les libéraux radicaux pendant cette campagne. Leurs ancêtres du XIXe siècles imaginaient très sérieusement une liaison Paris-Dijon-Genève-Simplon-italie via un tunnel sous la Faucille (et pourquoi pas aujourd'hui un train sous le Mont-Blanc), un projet qui fit couler beaucoup d'encre à la fin du XIXe siècle à Genève.
Rêvons aussi du sillon alpin Bâles-Genève-Annecy-Grenoble à 200 ou 250 km/h. Les ingénieurs et les financiers du XXIe siècles seraient-ils plus peureux que ceux du XIXe? Il est vrai que l'avenir est aux avions ou à la motorisation électrique. C'est là que les millions s'investissent. Hier encore, la Radio romande évoquait la Honda Clarity, cette voiture à hydrogène dont des versions achevées circulent déjà en Californie et en Israël.
Quant à l'option du tram-train évoquée pour relier Annemasse à rive et à Cornavin via un pont du Mont-Blanc rendu à la mobilité douce (grâce à une traversée du lac) est encore en vogue dans certains milieux de gauche. Alain Rouiller, secrétaire de l'ATE et président du Conseil lémanique de l'environnement, milite pour un tram train entre Nyon et Bellegarde via le Pont-Rouge et Saint-Julien. Sur le tronçon Pont-Rouge Saint-Julien la voie comporterait trois rails, soit deux écartements, un pour le tram TPG et un pour un véhicule capable de circuler sur le réseau ferroviaire des CFF et de la SNCF et sur le tonçon du tram aménagé. De telles solutions sont fonctionnelles en Allemagne.
Sur les demi-vérités ou les vrais mensonges, les partisans du CEVA sont bien partis pour emporter la coupe.
- Prétendre comme le maire actuel d'Annemasse que CEVA est un métro est un vrai mensonge.
- Egrener le chapelet des parkings d'échange comme l'ont fait hier les partisans français du CEVA est un autre mensonge.
Pas plus tard que jeudi dernier, lors du séminaire de Saint-Cergue consacré par le projet d'agglo à la mobilité, Robert Borrel, président de l'agglo d'Annemasse et de l'ARC, et Jean-Claude Mermoud, conseiller d'Etat vaudois, déclaraient qu'il n'y aurait pas de parkings d'échange à proximité des gares. Il ne saurait en effet être question de polluer matin et soir la vie des habitants des villes satellites de Genève. En revanche, les édiles optent pour la construction de parkings sur les lignes de bus conduisant aux gares. Des investissements dont on ne sait cependant pas qui va les financer.
Cette option oblige en outre les pendulaires que Genève refuse de loger à changer trois à quatre fois de moyens de transport pour aller à leur travail et en revenir:
- de leur domicile au bus, à pied, à vélo ou en voiture,
- du bus au RER (combien de temps dans la cohue du tram au RER Bellegarde à Cornavin?),
- du RER à un ou plusieurs autres bus ou tram selon la localisation de leur lieu de travail (à pied ou à vélo).
Un modèle jugé inefficace par le professeur Pini de l'Observatoire de la mobilité de l'Université de Genève qui estime que seuls des P+R (park and rail) directement construits sur des gares à créer aux croisements de routes importantes et du RER (comme par exemple à Etrembières ou près de St-Cergues (F)) inciteront les travailleurs à abandonner leurs voitures.
Parmi les demi-vérités, il y a celles des temps de trajets qui font totalement l'impasse sur le temps nécessaire pour accéder aux quais, sans parler des retards qui affectent un réseau ferrovaiire déjà surchargé.
Il y a aussi celle du financement du tronçon français du CEVA. Il manque toujours 6 millions d'euros et surtout, les études de détails en cours pourraient obliger à des réévaluations de la facture, que l'on espère pas aussi grandes que celles que l'examen du tronçon genevois par l'Office fédéral des transports a imposé à Genève.
Un autre mensonge à signaler est un mensonge par ommission. Personne ne parle de la voie dessiné pourtant noir sur blanc par le projet d'agglo qui devrait relier Cointrin à Cornavin. Une liaison indispensable pour assurer une desserte correcte c'est à dire au quart d'heure de l'aéroport. Berne sera-t-il d'accord de cofinancer une bretelle qui n'améliorera pas la liaison entre la Suisse et l'aéroport? Les Vaudois qui soutiennent le CEVA devraient y regarder à deux fois.
PS: la carte en tête de ce billet (que l'on peut agrandir en cliquant dessus) est tiré de l'histoire ferroviaire de Genève de Bénédict Frommel, historien, et Enis Arikok, architecte, que l'on trouve sur le site www.ceva.ch. Une histoire passionnate que tous les Genevois devraient lire avant de voter le 29 novembre.
Sur le CEVA et les chemins de fer, on lira aussi d'autres billets ici et là
08:18 | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
Vous commencez sérieusement à radoter mon pauvre Mabut. Cela fait au moins la quatrième fois que que vous revenez avec les mêmes arguments sur le CEVA. Que voulez-vous que Genèce fasse d'une ligne St-julien la Praille ? St-julien est-il le bassin principal des frontaliers qui travaillent à Genève ? Quant au nombre d'arrêts par kilomètres, je ne vois pas très bien le raisonnement. Comparer un métro à un train n'a pas de sens, ou s'il en a un vous devriez faire le même raisonnement en comparant le RER parisien et le métro. Pour l'amour du ciel cessez de nous balancer des projets vieux de 100 ans et de jouer au vieux sage que personne n'écoute. Tous les projets ferroviaires impliquent des dépassements, le premier tunnel du Gothard comme le second. Sans ambition, sans un peu de vision on se retrouvera dans 20ans avec un centre engorgé, des projets de minimbus attribués à une compagnie proche du PDC et à des plans fumeux comme Swiss metro ou la traversée de la rade sur un pont bateau. Le CEVA sera voté, construit et vous verrez que vos arguments seront balayés par les faits.
Écrit par : Anastase | 11/11/2009
@Mabut: Vous écrivez: "Une liaison indispensable pour assurer une dessert correcte, c'est-à-dire au 1/4 h de l'aéroport".
Aujourd'hui, il y a une liaison toutes les 12 minutes en moyenne entre Cornavin et Genève-Aéroport (5 trains par heures, certes pas espacé régulièrement).
Cherchez l'erreur.
Cette liaison permettra deux choses:
1) Relier le Grand-Saconnex au RER (RER-Nord) [Et deux nouvelles gares sont envisagées sur le réseau existant à Châtelaine et à Blandonnet, résultat de l'étude en 2011]
2) Multiplier les liaisons TGV vers Genève et Genève-Aéroport en permettant des liaisons Bellegarde - GVA - Cornavin - Haute-Savoie (Evian/Bonneville selon les heures). Cornavin ne devrait plus être une gare terminus.
Cette boucle n'est pas nécessaire au fonctionnement du CEVA, mais construit sur ce projet pour améliorer la desserte totale. Elle n'a bien sûr aucun sens sans le CEVA.
Accessoirement, c'est le bout de ligne entre Zymeysa et l'aéroport, le "shunt de Châtelaine" qui pose le plus de problème, la génération des 50-60 ans d'aujourd'hui n'ayant pas jugé bon de réserver les terrains nécessaires il y a 15 ans, obligeant de construire un tunnel complexe. Un manque de vision qui va coûter quelques centaines de milions à leurs enfants et petits-enfants.
Écrit par : teoli | 11/11/2009
M. Mabut,
Pour revenir sur le prétendu mensonge sur le métro.
L'argument des partisans du ceva porte sur la fonctionnalité de métro du CEVA et non le fait que ce soit un métro.
Le futur RER, de par la concentration de l'offre sur son tronçon central (le CEVA) permettra d'améliorer les déplacements interne au Canton et au cœur de l'agglomération. Il est totalement évident que le RER n'aura pas la finesse de desserte d'une ligne de métro ou de tram dans Genève. Cependant il agira en complémentarité des réseaux existants en permettant des liaisons rapides entre plusieurs pôle importants du Canton.
A paris, par exemple, les lignes RER permettent, entre autre, des déplacements rapide à travers la ville. Le trajet peut se finir (et/ou commencer) par une correspondance avec une ligne de métro (ou de tram, voir de bus).
Ces lignes ont donc une fonction de métro dans le coeur de la ville, mais ne permettent, en aucun cas, la finesse de desserte proposée par le réseau métro/tram/bus.
Il est étonnant qu'en tant que journaliste visiblement très intéressé et renseigné sur la thématique des transports et déplacements, et donc normalement capable de comprendre cette logique, vous n'ayez pas compris ce discours (ou alors c'est volontaire...).
Écrit par : eldwane | 11/11/2009
Le projet CEVA est la base de la réalisation d'un mise en réseau de Gare existantes et à venir.
Cette mise en réseau et l'offre liée ne sera pas seulement à l'usage des pendulaires, mais bien à celui de l'entier de la population résidente à Genève. L'offre prévue prévoit des trains de 05h00 du matin à 01h00 du matin, ce 7 jours sur 7.
On pourra ainsi aller au travail en CEVA, mais aussi en course d'école, au spectacle, en vacances, en voyage! On pourra redéfinir ses loisirs en fonction de destination faciles d'accès, aller au concert à l'Arena, au spectacle à la Nouvelle comédie, au match au Stade de Genève, au Caves ouvertes à Satigny ou encore prendre l'avion à l'aéroport.
Il ne s'agît pas d'opposer les différents usagers, mais bien de percevoir que cette infrastructure sera un véritable plus en matière de mobilité et de préservation de notre environnement, pour tous, au quotidien!
Qu'on se le dise !!!
Boris Calame, Constituant, designer et écologue, indépendant
Vice-président de la Coordination Transports et Déplacements
Écrit par : Boris Calame | 11/11/2009
Le ceva ne passera pas et tant mieux!
Stop à l'arnaque, gardons l'argent pour dévelloper geneve mais surtout pas la france dont nous n'avons rien à faire.
Je suis certain qu'une nouvelle fois, cette arnaque ne passera pas.
Ce sera un signe fort que l'on en a marre des fr.
Construisons ce qu'il faut chez nous pour stopper la fuite des contribuables genevois en terre gauloise.
Écrit par : anticeva | 11/11/2009
Bravo, pauvre cloche.
Écrit par : csny | 12/11/2009
à anti ceva:
savez-vous ce qu'est un gaulois? un ensemble de peuples barbares localisé sur les territoires actuels de la France, de la Belgique, de la Suisse et de l'Italie du Nord.
de surcroît, d'un point de vue ethnologique, les gaulois sont rattaché à la civilisation de la Tène, c'est à dire à une civilisation localisée en bordure du lac de... neuchâtel...
enfin bon... il est plus facile de reprendre et d'accumuler des clichés ou ds insultes que de se cultiver ou de faire preuve de réflexion...
Écrit par : matthieu | 12/11/2009