La Romandie n'existe pas! (12/05/2009)
La Suisse romande n'existe pas. Pas plus que l'Occident ou le Bonheur. Mais pour nombre de Romands, cette absence de réalité politique est un manque. Ils en font donc une quête, la quête d'un pays, d'un chez soi, d'une identité: comme si être suisse était pour un Romand inconfortable, incongru, inconcevable même. On n'ose plus trop être européen - l'ogre fabriqué de l'administration bruxelloise a fait son oeuvre - ou alors seulement comme on peut être occidental. Dans l'idéal. Alors on reste genevois ou vaudois ou jurassien ou valaisan. Mais le monde a grandi, le village planétaire est peu ou prou une réalité.
La semaine dernière un hebdo créé par un éditeur alémanique a remis le couvert pour la cinquième fois: les cent personnalités qui font la Suisse romande. Et de triturer le rêve l'espace d'un jour. A coups d'indicateurs économiques, de discours. Nous serions de ce côté-ci de la Sarine, pour une fois, les bons élèves. Et serions même face à la crise "mieux armés que les Alémaniques". On veut bien le croire. La méthode Coué a vu sa valeur exploser à mesure que dégringolaient les cotations boursières.
Quant à la Romandie, elle continue de faire rêver ceux qui sont frappés du syndrome de Gulliver, comme l'explique François Chérix, dans un ouvrage un peu laborieux emballé dans une couverture rouge.
Au fait, quel seraient le drapeau, les couleurs, l'hymne de ce non pays romand?
Le syndrome de Gulliver inventé par le psychologue Olivier Brachfeld frappe les enfants qui se trouvent trop petits ou trop grands et ne sont jamais capables d'affronter correctement les problèmes, soit qu'ils jouent les forts en bras ou en thème, soit qu'ils se dévalorisent.
"Genève offre un exemple frappant de cette difficulté, écrit Chérix. Soit elle se pense mondial, indépendante des petitesses helvétiques - on pense aux résolutions adressées aux puissants par nos parlements cantonaux et municipaux - soit elle érige des polémiques locales en enjeux de société." Et l'auteur de citer l'une des trente personnalités, qui alimentent l'ouvrage en analyses (im)pertinentes, Jacques Pilet, romand, créateur de l'Hebdo, exilé à Zurich downtown (p. 168): "Quand Genève se croit autonome, alors qu'elle est profondément imbriquée dans l'économie et les mentalités romandes, elle se marginalise, au sein d'une minorité déjà marginale, dans un pays marginalisé en Europe." Tout est dit.
Que manque-t-il aux Romands pour faire de la Romandie, une nation? Le mot nation ne fait pas partie du vocabulaire de François Chérix. En Pays de Vaud, il renvoie en effet à La Nation, organe de la Ligue vaudoise.
Et pourtant, chanter le Pays romand et vouloir forger la Romandie au rang des régions autonomes de l'Europe Unie - le bonheur - implique, dixit François Chérix, la création d'une entité politique: un peuple, une frontière, un gouvernement, comme diraient les Jurassiens. Mais l'histoire ne repasse pas les plats. Leurs Excellences de Berne ont été chassées du sol romand. Calvin, Davel et Béguelin ont forgé les cantons de Genève, de Vaud et du Jura, pas la Suisse romande. Laquelle n'a plus d'ennemis même pas la Suisse aléménique - qui n'existe pas plus que la Romandie - et qui est pour nous un père généreux et magnanime.
Manque de confiance en soi, manque d'ambitions? A l’heure où le Conseil d’Etat genevois, dans sa quête de la métropole Genève, pose son agglo franco-valdo-genevoise à la charnière entre deux régions d'égale importante (cliquer sur la carte pour l'agrandir), la Suisse et Rhône Alpes, que le grand Jura - formé de Neuchâtel et des six districts francophones - finira tôt ou tard par tomber dans l'attraction bâloise, que le Valais est la banlieue touristique de l'arc lémanique, que Fribourg finira par parier sur un bilinguisme assumé, seul le canton de Vaud se sent au fond orphelin d'une Romandie qui lui échappe.
Un mot encore à propos des ambitions. Nos deux "hommes forts" du moment - Hiler et Broulis - s'embrassent sur la bouche à propos de la troisième voie CFF. Oublient-ils nos deux présidents, que Zurich et bientôt Lucerne creusent des tunnels et créent des gares à deux étages. Ne savent-ils pas que l'ancien patron des CFF est en train de créer une compagnie ferroviaire en Autriche pour relier Vienne à Salzburg à 200 km/h?
L'ambition pour la Romandie serait de construire non pas une troisième voies, mais une deuxième ligne entre Cointrin et le plateau suisse, passant par Yverdon, Payerne (extension de l'aéroport). Mettre Berne à une heure de Genève, Zurich et Bâle à deux heures, voià une ambition digne du XXIe siècle. Le temps des nations, c'était la mode du XIXe siècle.
Sur le même sujet, on lira le commentaire de Philippe Barraud: "La Romandie n'existe pas. Heureusement!".
08:30 | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
Le pays de Montbéliard, aujourd'hui en France, a jusqu'à son rattachement connu une histoire comparable à celle des cantons de Suisse romande. Le problème est que sur le plan culturel, une nation se reconnaît à sa langue. Mais on n'a pas besoin de représentation politique pour exister. C'est la politique qui gagne à coller à ce qui existe, et non l'existence qui gagne à ce qu'elle soit politiquement représentée. Que l'Académie des Sciences admette l'existence d'une plante ou pas ne l'empêche pas d'exister, ou ne la crée pas. Il ne faut pas raisonner de la vie à partir de la politique. Tout le monde sait que la Suisse romande est la partie de la Suisse où l'on parle français: l'sxistence en est connue, et donc reconnue. Cela dit, dire que le canton de Vaud est isolé au milieu d'une Romandie qui lui échappe me paraît tiré par les cheveux, M. Mabut: car de l'extérieur, c'est bien Lausanne, qui apparaît comme le centre de la Romandie. On pourrait aussi bien dire qu'en se reliant à autre chose qu'à la Suisse romande, ce sont tous les autres cantons, qui voient s'échapper d'eux l'essence de la Romandie. Que seul le canton de Vaud est purement et parfaitement romand. A mon avis, votre regard est biaisé par votre patriotisme genevois. L'université de Lausanne par exemple a un centre d'études de la littérature romande, et la littérature est un ferment de l'identité; or, cet aspect est bien moins présent à Genève, où on est simplement plus orienté vers la France, et non pas plus romand. Je vous donne en tout cas la perception qu'on peut avoir depuis la France voisine. J'ai l'impression que votre billet appartient à la catégorie ci-dessus citée des polémiques locales érigées en sujets de société.
En outre, je ne pense pas qu'il soit très adroit de dire que Genève travaille avec ses voisins parce qu'elle en quête d'une dimension plus grande. Tout le monde est en quête d'une dimension plus grande. L'union fait la force, et profite à tous. Mais si les profits sont répartis de manière à accroître les disparités, cela ne peut pas fonctionner d'une manière très durable. Il vaut mieux dire que Genève est en quête de partenaires afin d'accroître les possibilités d'initiatives dans toute la région: elle veut aussi faire le bien autour d'elle, pour ainsi dire.
Écrit par : Rémi Mogenet | 12/05/2009
La Romandie pourrait s'agrandir en suivant les idées de la Ligue Savoisienne qui demande son indépendance et son rattachement à la Suisse !
Écrit par : Octave Vairgebel | 12/05/2009
La Romandie n'existe pas!
Lollll un point commun avec le peuple Juif dont le gauchiste Shlomo Sand crie à qui veut l'entendre que: "Le peuple juif n'existe pas." A qui le tour.......?
Écrit par : Patoucha | 13/05/2009
Octave Vairgebel: ".... la Ligue Savoisienne qui demande son indépendance et son rattachement à la Suisse " !
La mère Royaume doit se retourner dans sa tombe! :)))))
Écrit par : Patoucha | 13/05/2009
Octave Vairgebel: ".... la Ligue Savoisienne qui demande son indépendance et son rattachement à la Suisse " !
La mère Royaume doit se retourner dans sa tombe! :)))))
Écrit par : Patoucha | 13/05/2009
La Ligue savoisienne demande l'indépendance de la Savoie, M. Vairgebel, et non la sienne propre: c'est déjà un mouvement politique indépendant, je suppose. Je ne pense pas que la mère Royaume ait trop sursauté dans son tombeau quand en 1815 des communes ayant appartenu au duché de Savoie et qui lui appartenaient en 1602 ont été rattachées à la république de Genève. Cela a conduit à la chute des fortifications, et cela a été un problème pour une partie des Genevois conservateurs, mais finalement, la mère Royaume, si je puis dire, a retrouvé le repos, je pense.
Écrit par : Rémi Mogenet | 13/05/2009
« La Suisse romande n'existe pas. »
En effet.
A la veille de fêter le 15ème anniversaire de mon dossier 1)
traitant de
" Ceci est un médicament. Demandez conseil à votre spécialiste (sic) et lisez la notice d’emballage (re-sic) " ,
je ne vois vraiment rien d’autre à dire.
Voir mon blog Français fédéral : http://francaisfederal.romandie.com
1) A part le blog, 3 publications sous forme traditionnelle par 3 auteurs indépendants ; 2 lettres aux cantons de Suisse occidentale
Écrit par : Reynald Forster | 13/05/2009