Ecologie libérale mange local. Et les roses? (18/03/2009)

desbaillets.jpgfraises.jpgRené Desbaillets, célèbre vigneron encaveur de Peissy, par ailleurs député libéral au Grand Conseil, me fait parvenir une étude d'Ecologie libérale, dont il est un membre actif tout comme le conseiller national radical et vice-président de la Constituante Thomas Büchi. Ladite étude démontre en 15 pages et force graphiques à l'appui, ce que tout le monde croit, à savoir que "manger des légumes suisses et de saison est moins cher". Une évidence pas si évidente que ça.

Pour établir leur statistique, les militants d'écologie libérale ont noté chaque semaine dans leur carnet du lait les prix relevés dans des supermarchés et des marchés de février 2008 à février 2009. Durant l'été, ils ont constaté que les prix les plus bas concernaient les fruits et légumes suisses. Normal, c'est durant la belle saison que la terre produit ses fruits en abondance et que les Suisses partent en vacances. L'équation plus d'offre et moins de consommateurs donnent à tout les coûts des prix bas.

Dans sa démonstration, Ecologie libérale oublie trois choses:

 

  1. les commerçants ont intérêt à vendre tout l'année. On ne voit pas comment les en empêcher.
  2. les consommateurs ont pris l'habitude d'acheter des fruits et des légumes hors saison;
  3. les maraîchers et arboriculteurs suisses n'ont de cesse d'être sur le marché le plus tôt possible et le plus longtemps possible pour profiter un peu des prix haut hors saison. D'où les investissements en serres et tunnels plastiques et les stockages sous atmosphère contrôlée.

Les fruits et les légumes suisses profitent encore largement de la protection à la frontière qui limite les importations des fruits et des légumes étrangers durant la belle saison. Des surplus de prix sont appliqués également pour éviter que les prix ne tombent trop bas au-dessous des conditions de production en Suisse.

Sans cette protection, entre un tiers et la moitié des exploitations maraîchères et arboricultrices suisses devraient mettre la clé sous la porte. C'est un rapport de Saint-Gall qui l'a dit il y a deux ans. Et c'est la raison pour laquelle les producteurs suisses de fruits et de légumes ont une peur bleu de l'ALEA, l'Accord de libre échange agricole que Doris Leuthard est en train de négocier avec Bruxelles.

Conclusion, si les frontières étaient ouvertes, il y a fort à parier que les tomates étrangères, les choux-fleurs et les concombres importés seraient moins cher.

Quant aux roses d'outrer-mer, la fondation Max Havelaar en fait la pub à la Coop. Et les protestants et les catholiques en ont vendu quelque 150'000 le week-end dernier, grâce à un don de la Migros. D'où viennent-elle? De Tanzanie pour les roses de l'action de Carême et de Pain pour le prochain. Et sont labellisés quatre fois moins gourmandes en carburant que des roses produites en serres ici.

Qu'en dit Ecologie libérale?

légumes de saisons.jpg

 

10 Synthèse et bilan du rapport "Conséquences d’un éventuel accord de libre-échange agricole (ALEA) CH-UE sur la production et le commerce de gros de pommes de table, de carottes de garde et de tomates à grappes en Suisse"


stgal.jpgLes prix de vente moyens réalisés des pommes de table, tomates à grappes et carottes de
garde se situent dans l’UE, à l’échelon des producteurs et des grossistes, environ 50% plus
bas que les prix suisses. En Suisse, les marchés de ces produits sont actuellement protégés
efficacement par les droits de douane. Avec un accord de libre-échange agricole (ALEA) avec
l’UE dans le secteur agro-alimentaire, tous les droits de douane et les contingentements seraient
probablement abolis. Un accord entraînerait dans ce contexte une forte pression sur les
prix pour les grossistes et les producteurs suisses.
Une grande part des coûts de production et de commercialisation des pommes de table, tomates
à grappes et carottes de garde est constituée par les coûts du travail, des machines,
d’infrastructure, de transport, d’emballage et d’énergie. Ces facteurs de production ont généralement
un coût nettement plus élevé que dans les pays de l’Union, les disparités étant particulièrement
prononcées pour ce qui est des coûts salariaux. On ne voit pas comment les
producteurs et les grossistes suisses pourraient réduire leurs coûts et les adapter au niveau
de l’UE après la conclusion de l’ALEA. Même après un accord de libre-échange, il subsisterait
donc une différence de prix entre les produits suisses et les européens, plus avantageux,
aussi bien à l’échelon des producteurs qu’à celui des grossistes. Les producteurs et grossistes
de pommes de table, de tomates à grappe et de carottes de garde seraient ainsi touchés très
durement par un accord de libre-échange agricole CH-UE.
De plus, les entreprises des branches analysées ici peuvent bénéficier dans l’UE
d’importantes aides à l’investissement si ces communautés de producteurs ou ces entreprises
de commercialisation et de transformation sont situées dans des régions à faible revenu par
habitant. Les subsides publics peuvent y assurer jusqu’à 50% du volume des investissements.
Ces mesures d’incitation liées à une politique régionale et à une politique de croissance faussent
la concurrence à l’intérieur de l’UE et sont du reste critiquées pour cela. A l’inverse, les
producteurs suisses de pommes de table et de carottes de garde reçoivent davantage de
contributions à la surface que les entreprises comparables de l’UE.
Concernant les coûts du travail, il faut savoir que le niveau des coûts de personnel à lui seul
ne permet pas de mesurer la compétitivité d’un pays ; ce sont les coûts unitaires salariaux
qui sont déterminants. En comparaison d’autres pays de l’UE, les Pays-Bas, par exemple,
affichent des coûts de personnel élevés dans l’agriculture. Ce pays est pourtant un grand

producteur et exportateur de produits agricoles, ce qu’il faut attribuer principalement, à notre
avis, à la forte mécanisation et aux grandes structures d’entreprises.

On peut relever encore
d’autres avantages au niveau des facteurs de production. Le problème des producteurs
et grossistes suisses est dû à la fois aux coûts de personnel élevés et à la dimension en général
assez réduite des structures de production et d’entreposage, qui ne permettent pas
d’exploiter suffisamment les économies d’échelle. Les producteurs et grossistes suisses sont
axés pratiquement sans exception sur le marché suisse, ce qui fait que les structures sont plus
petites que dans l’UE.
Une évaluation définitive des effets d’un accord de libre-échange agricole ne serait possible
que si le comportement des acheteurs était connu, ce qui n’est pas le cas. Les acheteurs des
produits étudiés ici sont essentiellement le commerce de détail, les entreprises de transformation
et enfin les consommateurs suisses. Les producteurs vendent généralement leur marchandise
aux grossistes, qui la revendent au commerce de détail. Dans le secteur maraîcher,
près de 50% de la production va aux consommateurs de gros, à savoir la restauration et
l’industrie de transformation.Le groupe des acheteurs n’a pas été analysé en détail dans le
présent projet. Mais dans le cadre d’un autre projet, on a analysé les répercussions d’un
ALEA sur les entreprises moyennes de transformation des légumes, pommes de terre et
oléagineux (Bergmann/Fueglistaller 2006). On y a étudié des produits tels que les frites, les
épinards surgelés et l’huile de tournesol. Ces produits se situent au premier niveau de transformation
et sont donc différents de ceux de la présente analyse. Mais ils ont aussi des points
communs avec ceux-ci. Dans les deux cas, les produits présentent, jusqu’à un certain point, le
caractère de commodité, c’est-à-dire que les différences de qualité sont plutôt faibles et que le
prix joue un rôle important dans la décision d’achat. Dans ce contexte, les éventuelles différences
de prix entre les produits suisses et ceux de l’UE ne peuvent être maintenus à long
terme que si les produits suisses présentent une valeur ajoutée par rapport aux produits européens.
Vu les grandes différences de prix et de coûts et vu le potentiel limité de réduction des coûts,
on peut prévoir que pour les produits étudiés ici, les produits de l’UE s’introduiraient dans
tous les cas dans le commerce suisse de gros et de détail ainsi que dans la restauration collective
et l’industrie alimentaire. Dans le secteur du commerce de détail discount et de la restauration
collective, le prix est le seul facteur décisif à qualité égale. On peut supposer
qu’avec un ALEA, les fournisseurs de l’UE livreront le produit le meilleur marché de la
gamme de bonne qualité. La part de marché des producteurs et grossistes suisses se réduirait
donc dans tous les cas.


Le commerce de détail discount et les fournisseurs de la restauration, de l’industrie et des
grands consommateurs seront probablement les premiers à se tourner vers les produits de
l’UE puisqu’ils ont une clientèle très sensible au prix. Les distributeurs discount établis en

Suisse achèteraient directement les produits européens en cas d’ALEA ; ils pourraient regrouper
leurs achats dans l’UE et obtenir leurs produits au même prix que pour leurs filiales
allemandes, par exemple.


Certes, les producteurs et les grossistes ont théoriquement la possibilité de compenser la
baisse des ventes à l’intérieur du pays par des exportations. Les produits examinés ici, à savoir
les pommes de table, les tomates à grappes et les carottes de garde, n’offrent que des
possibilités limitées de se démarquer des produits concurrents en provenance de l’UE. On ne
peut pas espérer ici obtenir à l’exportation des résultats comparables à ceux enregistrés pour
le fromage parce que les possibilités de différenciation sont moindres et que ces produits
sont moins liés à l’image de la Suisse. Cependant, ils peuvent peut-être profiter de la bonne
réputation des produits alimentaires suisses à l’étranger où on les associe à la qualité et à
l’absence de polluants. Mais cet avantage ne vaut que s’ils atteignent le niveau de prix des
produits bio européens. Il est très probable que l’exportation des produits examinés ici restera
peu importante même avec un ALEA. Seul un très petit nombre de producteurs et un petit
nombre de grossistes estiment qu’ils pourront livrer leurs produits dans l’UE en cas d’ALEA.
Dans l’ensemble, les producteurs considèrent que les conséquences d’un ALEA seront plutôt
négatives pour leur exploitation. Le 35% des producteurs actuels de pommes de table abandonneraient
cette branche de production ou cesseraient toute activité si un ALEA devenait
réalité. Pour les carottes de garde, on arrive même à 50%, et pour les tomates à grappes, à
39%. Les grossistes interrogés parlent en général d’une forte réduction de leur activité.
Nous formulons pour conclure trois scénarios possibles de l’évolution des producteurs et des
grossistes en cas d’ALEA. Ils comprennent naturellement une part d’incertitude puisque le
comportement réel des consommateurs et des exploitants n’est pas connu. Aucune enquête
n’a été menée dans le cadre du présent projet auprès de spécialistes pour évaluer le comportement
des consommateurs. C’est pourquoi les chiffres se basent sur les résultats du projet
portant sur des effets d’un accord de libre-échange agricole sur l’industrie de transformation
des légumes, pommes de terre et oléagineux en Suisse (cf. Bergmann/Fueglistaller 2006). Les
répercussions effectives d’un ALEA sur les entreprises étudiées ici sont surtout liées aux paramètres
suivants :
• Sensibilité des consommateurs suisses à la question du prix. Comment les
consommateurs suisses régissent-ils aux différences de prix pour les fruits et légumes
considérés ? Pour prendre la décision d’achat, s’intéressent-ils en priorité à
la qualité et à l’origine des produits ou à leur prix ?
• Réduction des coûts des exploitations suisses. Dans quelle mesure les exploitations
analysées pourront-elles réduire leurs coûts et offrir ainsi leurs produits
meilleur marché après l’ALEA ?
• Produits avec de la valeur ajoutée. Les produits examinés ici offrent-ils une valeur
ajoutée par rapport aux produits de l’UE et dans quelle mesure les producteurs
et grossistes suisses réussiront-ils à convaincre les consommateurs d’acheter
les produits suisses à un prix éventuellement supérieur ?
• Volume des exportations vers l’UE. Dans quelle mesure les exploitations étudiées
ici réussissent-elles à exporter leurs produits vers l’UE ?


Scénario 1 – le plus pessimiste

Le scénario le plus pessimiste repose sur l’idée qu’en Suisse, la sensibilité au prix des produits
analysés est élevée chez une grande partie des consommateurs. Bien que les différences
de prix soient faibles, c’est le produit le meilleur marché qui sera choisi, même si sa qualité
est légèrement en dessous de celle d’autres produits. Les producteurs suisses n’arrivent pas à
réduire leurs coûts de façon significative. L’origine des produits ne représente pas en soi une
valeur ajoutée pour la grande majorité des consommateurs. L’exportation vers l’UE est très
restreinte, voire inexistante, parce que les consommateurs de l’UE sont très sensibles au prix
et qu’on ne voit pas quelle valeur ajoutée les produits suisses en question pourraient avoir.
Avec un tel scénario, la production et le commerce de fruits et légumes suisses reculeraient
fortement. De nombreux producteurs renonceraient à produire les fruits et légumes cités et
abandonneraient probablement toute production. Le recul de l’emploi est plus important,
selon nos estimations, que ce à quoi les exploitants s’attendent avec un ALEA.


Scénario 2 : le plus vraisemblable

Le scénario le plus vraisemblable part de l’idée qu’une grande partie de la clientèle suisse est
sensible au prix des produits analysés ici. Il y a encore au début un certain scepticisme vis-àvis
des produits de l’UE, qui sera d’ailleurs vite abandonné une fois que les premières expériences
seront faites. En même temps, il y a en Suisse un segment d’importance à peu près
égale de consommateurs attentifs à la qualité du produit et qui ne s’intéressent au prix qu’en
second lieu. Ces consommateurs attachent de l’importance à l’origine suisse et sont prêts à
supporter des surcoûts par rapport à la marchandise venant de l’Union européenne. Les entreprises
parviennent à réduire leurs coûts de production et de commercialisation, même si
ceux-ci restent supérieurs au niveau européen.
Ce scénario prévoit un recul de la production et du commerce de gros en Suisse pour les
produits cités. La part des produits importés croît notablement et les produits européens
gagnent une part importante du marché. Quelques exploitations vont probablement cesser

toute activité. D’autres fusionneront ou seront reprises par d’autres gérants. Le secteur des
discounts et de la restauration collective se tournent presque entièrement vers les produits
avantageux de l’UE, si bien que les producteurs et grossistes suisses doivent assumer des
pertes importantes de part de marché intérieur. L’exportation de produits suisses vers l’UE
ne se développe que lentement parce que la place est déjà occupée sur les marchés européens
et que de nombreux consommateurs de l’UE réagissent fortement aux prix - davantage que
les Suisses. Les entreprises suisses peuvent conserver une grande part de leur marché et arrivent
à moyen terme à occuper quelques marchés de niche en Europe. Le recul des emplois se
situe à peu près au niveau prévu par les exploitants en cas d’ALEA.


Scénario 3 : le plus favorable

Ce scénario repose sur l’idée que la plupart des consommateurs recherchent en priorité la
qualité et que la question du prix n’est primordiale que pour une petite part d’entre eux. La
majorité et prête à payer 10 à 20% de plus pour un produit suisse dont elle attend une qualité
supérieure. Les producteurs suisses arrivent en outre à baisser notablement leurs prix de
vente, sans atteindre cependant le niveau moyen des prix européens. L’exemple de
l’Autriche montre qu’il est possible de maintenir une part de produits au-dessus de la
moyenne de prix de l’UE. Les producteurs suisses réussissent à présenter de façon convaincante
la valeur ajoutée de beaucoup de leurs produits par rapport à ceux de l’UE et à justifier
par là d’éventuelles différences de prix.
Même avec un scénario favorable, les entreprises devront fournir des efforts importants pour
rester compétitives. Elles arriveront à établir sur le marché suisse un label d’origine suisse
pour les produits cités, effort qui sera honoré par une grande partie des consommateurs.
Le segment de prix inférieur pour ces produits sera occupé très vraisemblablement par des
produits avantageux de l’UE, ce qui est va de pair avec un recul de la part de marché pour
les Suisses. Concernant les exportations, on ne peut pas s’attendre avec ces produits à des
succès comparables à ceux du fromage parce qu’il y a moins de possibilité de différenciation
et que ces produits sont moins liés à l’image de la Suisse. Même avec un scénario favorable, il
y aura un recul de l’emploi dans les branches considérées.

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