Payer les paysans, subsidier les consommateurs! (11/01/2009)
Reto Cadotsch, le "Che" des Jardins de Cocagne, et François Erard, la patron des paysans genevois, sont tombés d'accord avec Willy Crétegny, le viticulteur rebelle de Satigny, samedi soir à l'Alhambra (voir les billets ci-dessous). Ils auraient aussi été d'accord avec Pierre-André Tombez, président d'Uniterre, vendredi: les paysans ont droit à un juste prix pour leur travail, réclament-ils d'une même voix. Marre des subventions, de la paperasse qui va avec et des fonctionnaires qui contrôlent! Si les denrées agricoles de qualité sont trop chers et bien c'est les pauvres qu'il faut aider!
Il y a un autre secteur économique, me suis-je dit, où l'Etat aide largement les pauvres à payer leur consommation. C'est celui de la santé.La Confédération et les cantons dépensent des centaines de millions de francs en subsides sensés alléger la facture des cotisations maladie. Pourquoi ne pas faire de même avec les denrées alimentaires de qualité ou bio?
Aujourd'hui les Suisses dépensent en moyenne moins de 8% de leur revenus pour se nourrir et 11,3% pour leur santé. Sacré paradoxe! En mangeant mieux et peut-être un peu plus cher, il pourrait peut-être diminuer leur facture pharmaceutique et médicale. Et si ça ne se fait pas peut-être que le lobby paysan est moins puissant que celui des médecins et des pharmas?
Reste qu'une telle politique réclamerait un retour aux contingentements étatiques et des politiques d'élimination des surplus. Car ce que font mine d'ignorer nos paysans, c'est qu'un prix élevé entraîne quasi automatiquement les paysans à produire davantage. S'en suivent des montagnes de beurre ou de blé qu'il faut bien écouler ou dénaturer. Sans quoi le marché reprend ses droits. La sortie du contingentement laitier nous en donne des exemples tous les jours. Au printemps dernier, les producteurs de lait ont obtenu 10 centimes de plus par litre. La production a augmenté. Résultat le prix du lait doit baisser. De fait, il baisse. C'est mécanique.
Les paysans parviendront-ils à se discipliner et à créer un cartel des producteurs? Leur faiblesse, c'est leur nombre.Il y a dans cette profession comme dans d'autres, des moutons noirs qui croient pouvoir s'en sortir seuls parce qu'ils sont dans des conditions de production favorables.
Subsidier les pauvres pour leur permettre d'accéder aux produits bio est peut-être un bon plan politique. Une solution de financement réside peut-être dans la taxe CO2. Pour que cette taxe ne soit pas un impôt, il faut en effet en restituer le produit aux habitants. Une solution déjà mise en oeuvre consiste à ristourner la taxe via les caisses maladie. Mais pourquoi ne pas créer des bons alimentaires permettant aux gens de s'acheter des denrées bios?
Reste que produire bio à grande échelle et de manière durable est un défi économique, agronomique et agricole.
- Economique, car il faut plus de main-d'oeuvre pour faire à la main ce que l'on en peut plus faire chimiquement.
- Agronomique, car il faut accepter l'idée que les ogm pourraient maintenir la productivité des plantes (par exemple en introduisant la faculté d'absorber l'azote de l'air).
- Agricole, en Suisse romande et à Genève, où le bétail est largement moins présent. Or sans les engrais de ferme difficile de maintenir la fertilité des sols.
PS 1: A propos, dans un communiqué de presse daté du 7 janvier, Monsanto annonce la mise sur le marché des semences d'un blé résistant à la sécheresse. A suivre comme l'on dit.
PS 2: A noter encore que l'Association suisse des sélectionneurs fêtent en 2009 son centième anniversaire.
23:17 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Une idée intéressante. Surtout si l'on peut établir un lien plus clair entre "manger bio" et "améliorer sa santé". Parce que se gaver de graisses bio, par exemple, ce n'est pas forcément l'idéal.
Une remarque tout de même. La taxe CO2 EST un impôt. Qui comme tous les impôts (en principe), est redistribué en services à la population: construire des routes, des hopitaux, payer des fonctionnaires, c'est censé être utile. Et les gens qui paient ne sont pas forcément ceux qui en bénéficient.
L'histoire de la redistribution par les caisses maladies, c'est juste un gimmick rose-vert, pour comme on dit, cacher les saletés du chat... à mon avis de mauvais aloi. Mieux vaudrait clairement utiliser cet argent à soutenir par exemple les énergies renouvelables, l'isolation des bâtiments, le filtrage des émissions industrielles ou pourquoi pas, l'agriculture bio. Ce serait plus logique.
Et trouver d'autres moyens de diminuer les coûts de la santé. Y compris, là je sais que je vais faire bondir, en réfléchissant à un système de bonus-malus sur les primes de ceux qui sciemment ont des attitudes à risque : fumeurs, alcooliques, toxicomanes... ou trop gros mangeurs (clin d'oeil à un ami).
Écrit par : Philippe Souaille | 12/01/2009
Très amusant.
Les caisses d'assurances maladie étaient des entreprises privées en 1993, tout comme en 2009.
Je doute fort qu'en 1993, les caisses perdaient de l'argent.
Pourtant, à y regarder de plus près; www.stop-lamal.ch ; entre ces deux dates, il y a une augmentation financière de 300%, mais aussi une augmentation de la franchise et une réduction du catalogue des prestations.
Je prend comme année de référence 1993 parce que c'est la dernière année, avant la votation de 1994 sur la LAMal, introduite en 1996.
Ruth Dreifuss et le Conseil Fédéral in corpore de l'époque nous ont menti et ce mensonge continue.
Écrit par : Victor DUMITRESCU | 12/01/2009
"La taxe CO2 EST un impôt. Qui comme tous les impôts (en principe), est redistribué en services à la population: construire des routes, des hopitaux, payer des fonctionnaires, c'est censé être utile. Et les gens qui paient ne sont pas forcément ceux qui en bénéficient."
Grosse contre-vérité. La taxe CO2 n'EST PAS UN IMPÒT.
A l'heure actuelle, la taxe CO2 qui frappe le mazout n'est en aucun cas perçu pour rendre un quelquonque service comme constuire des routes et des hôpitaux, ou même payer des fonctionnaires. Tout le produit de la taxe est reversé directement à la population, sur le principe d'une personne=une part.
Par contre vous avez raison de dire que ceux qui paient ne sont pas ceux qui en bénéficient: ceux qui ont un appartement mal isolé chauffé au mazout paie ceux qui on des maisons minergie avec pompe à chaleur.
Pour l'instant on ne s'en rend pas compte, car il y 2 ans de déclage entre la perception et la redistribution. Le produit de la taxe 2008 sera redistribuée en 2010.
Écrit par : PtitSuisse | 12/01/2009
P'tit suisse, c'est exactement ce que je dis, mais peut-être mal exprimé.
La Taxe C02 est comme son nom l'indique une taxe. Donc un impôt indirect. Elle est redistribuée aux suisses sous forme de subsides, sous la forme une personne une part. C'est donc non seulement un impôt indirect, mais aussi un impôt redistributif.
Et donc comme n'importe quel impôt, elle sert la collectivité. Habituellement, les impôt servent la collectivité en lui assurant des services, là, c'est une redistribution directe, mais c'est la même chose. Les impôts servent à faire que les écoles soient gratuites, les routes aussi, les TPG moins chers, etc...
Je n'ai jamais dit que la Taxe CO2 servait à faire des routes, mais ma phrase était peut-être mal ponctuée.
En revanche, selon moi, plutôt que d'être redistribuée directement aux citoyens, ce qui est démagogique, elle devrait intégralement servir à la dépollution et à la préservation de l'environnement.
Écrit par : Philippe Souaille | 12/01/2009