Les Jardins de Cocagne aiment la monoculture (10/01/2009)

martine à la ferme.pngSympathique ambiance hier soir à l'Alhambra où une bonne partie de la Genève anti-ogm était venu voir ou revoir le film "Le monde selon Monsanto" et écouter son auteur Marie-Monique Robin. J'étais sensé animé la débat sur le thème "Paysans ou multinationales. Une agriculture à dimension humaine est-elle encore possible?" J'y ai renoncé.

Autour d'une assiette de soupe, j'ai eu l'audace insolente de remarquer que le film réquisitoire contenait quelques erreurs et conclusions hâtives et que j'espérais pour ma part que la conversation ne tournerait pas uniquement autour du grand méchant Monsanto. Quel crime de lèse-majesté n'ai-je pas commis! Mon propos est tombée comme une averse de grêle sur un champ de salades bonnes à couper. Je vous passe les détails. Manifestement Marie-Monique Robin, dont personne, jusqu'à hier soir, n'avait eu le culot de critiquer l'oeuvre - "même Monsanto ne m'a pas poursuivi" - n'entendait pas se voir dicter la soirée par un obscure gratte-papier de province. J'avais accepté l'invitation avec réticence, je me suis donc platement excusé d'avoir froissé la vedette de la soirée et me suis prestement auto-éliminé du panier de fruits.

Les quelques trois cents personnes présentes ont donc eu droit au catéchisme selon anti-Monsanto connu (Marie-Monique Robin n'est pas contre les ogm par principe). Tout en rondeurs broyardes, Pierre-André Tombez, président d'Uniterre, a bien tenté de remettre l'église du débat au coeur du village suisse. En vain.

Non sans talent - il a eu droit aux premiers applaudissements - ni sans quelques raccourcis populistes, le patron d'Uniterre a parlé du prix du lait. "La baisse de 10 centimes à la production que nous impose l'industrie vous fera gagner l'équivalent d'une demi-tasse de café par mois et nous fera perdre mille francs par mois." Le paysans exploitant 70 ha (trois fois la dimension d'une ferme moyenne en Suisse) ne dit pas que la baisse suit une hausse obtenu après une grève laquelle a engorgé le marché du lait d'excédents qui font aujourd'hui pression sur les prix.

Les écologistes écoutent compatissant. Mais manifestement le message est plus difficile à faire passer que celui de la peur des ogm. "Une victoire! La première et je l'espère pas la dernière", clame la paysan syndicaliste. Le moratoire anti-ogm, qui court jusqu'à 2010 en Suisse et sera vraisemblablement prolongé jusqu'en 2013, est en effet le fruit d'une alliance entre les paysans suisses, pour qui la première génération des maïs, coton, soya et riz tolérants aux herbicides est sans intétêts, et les consommateurs, qui en sont majoritairement restés au mythe de Martine à la ferme: une agriculture à la dimension humaine.

M.-M. Robin se réjouit du Sonderfall suisse et raconte l'histoire du blé ogm que Monsanto voulait imposer. Lui aussi a fait l'objet d'une résistance des consommateurs européens et français. Les paysans français cultivant un blé à 80 quintaux l'hectare mais difficile à panifier obligent les meuniers à importer du blé candadien proportionnellement plus riche en protéine. Du coup les Canadiens qui font leur beurre avec ces exportations de céréales ont eu peur de perdre un marché lucratif en mettant le doit dans les ogm qu'une majorité d'Européens ne veut pas voir dans leurs assiettes. 

PS1: A propos, dans un communiqué de presse daté du 7 janvier, Monsanto annonce la mise sur le marché des semences d'un blé résistant à la sécheresse. A suivre comme l'on dit.

PS2: A noter encore que l'Association suisse des sélectionneurs fêtent en 2009 son centième anniversaire.

 

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