Au secours! (08/08/2008)

caducee.jpgElle est toute menue, paraît un peu stressée. Ses long cheveux noirs tombent sur sa blouse blanche, encadrent un visage un rien fatigué. Son regard éperdu débordant d'émotions anciennes appelle au secours. Elle dit d'abord non. Je n'ai plus de sous... Puis se ravise. Elle me prend à témoin, formule une question en forme d'affirmation: "N'y a-t-il plus assez de chétiens dans les églises? - Je viens de lui proposer de mettre une publicité dans le programme de la Kermesse de Compesières - Elle reprend: "Oui, je sais, il n'y en a plus! La fin de la religion, c'est une catastrophe!"

"La société va à sa perte. Les jeunes font n'importe quoi!" Je tente de la raviser. En vain. "Et l'Etat que fait-il? Il ne fait rien. Pourquoi la policie ne met-elle pas  l'amende les parents qui laissent trainer leurs gosses au-delà d'une certaine heure? Je devrais en parler au maire... Mais je ne les connais plus. Ils sont trois, ils sont jeunes." La pharmacienne de la place des Aviateurs n'avait pas le moral ce matin.

Est-ce parce que Santé Suisse dénonce une fois de plus le prix des médicaments en Suisse, sacrifiant au jeu de rôle rituel qui n'a pas pour moindre but que de désigner un bouc-émissaire aux yeux des cotisants à la veille d'une nouvelle hausse des primes maladie? En partie seulement. La pharmacienne de Plan-les-Ouates n'en parle pas. Non, sa crainte est plus locale, plus immédiatement menaçante. C'est l'arrivée prochaine, m'annonce-t-elle, de Sun Store à Plan-les-ouates qui l'inquiète: "Ils ont racheté la pharmacie populaire de la route de Saint-Julien, il y a deux ans et vont s'installer. Comment la pharmacie de la place des aviateurs va-t-elle résister à une chaîne qui rembourse la franchise de 10%?"

"Je connais mes clients, je les incite à moins consommer de médicaments. Aux enfants frappés d'exéma, je ne prescris pas de préparation à base de cortison. Je suis attentivement un client atteint d'un diabète grave qui vient régulièrements'approvisionner. Eux, ils vendent, c'est tout!" Elle en veut à ce modèle américain qu'elle voit envahir le continent, le libre service en pharmacie, ouvert 24h sur 24h, sous-payant un personnel non qualifié."

Un coup de déprime? Ou la découverte soudaine qu'en pharmacie, comme dans toute activité économique, les petits sont condamnés s'ils ne parviennent pas à  proposer un service orginal. Prémices certainement d'une révolution douloureuse mais inéluctable. Qui des pharmacies d'antan saura tirer les onguents, les crèmes, les cachets du terroir, comme l'expérimentent les paysans, les vignerons, les brasseurs, les tailleurs, qui trouvent désormais leur place dans les niches qu'abandonne le business mondialisé?

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