Violences religieuses en Inde (27/07/2008)
46 morts dans des attentats à Ahmedabad. (Lire l'AFP et The Hindu) La nouvelle ne fait pas la une des journaux en Europe. Qui sait où se situe la capitale du Gujarat, l'Etat indien (50 millions d'habitants) où est né Gandhi? J'y étais en vacances en janvier à l'occasion de la fête des cerfs-volants. Ahmedabad, une ville bourdonnante dont les quartiers aux ruelles tranquilles sont retranchés derrière les artères bruyantes, congestionnées, proche de la l'asphyxie. Il faut que l'ombre d'Al Quaida rode pour percer la zone rouge des médias. Ce serait semble-t-il le cas en l'occurrence. Mais comment savoir dans ce pays continent aussi peuplé que l'Afrique et l'Amérique du Sud réunies et à peine plus grand que l'Europe, où les attentats sont presque monnaie courante?
L'escalade des violences religieuses n'est pas nouvelles en Inde. Le musée de l'ashram de Gandhi à Ahmedabad et celui de sa maison à Mumbai illustrent le contraste de la vie de l'apôtre de la paix et la résistance non violente et la réalité d'une Inde, où la violence économique, politique, religieuse, sociale, sexiste peut exploser à tout moment. Fulgurante, fanatique. Nous ne l'avons pas vu en direct en janvier. Le pays venait de fêter le 60e anniversaire de sa naissance. Il était en pleine normalisation de ses relations avec le Pakistan et avec la Chine. Le rachat de Arcelor par Mital et la présentation de la Nano, la voiture à 3000 francs de Tata, exposée en mars au Salon de l'auto de Genève, étaient les symboles concrets du moment d'une nation émergente.
La fête des cerfs-volants est une fête indienne. Elle a lieu chaque année le 14 janvier. Mais les jeunes des quartiers musulmans affichent un même enthousiasme. Au-dessus des toits plats de la ville, encore meurtrie par le tremblement de terre de 1992, virevoltent des milliers de losange de papier. Ouri Ouri, crie notre hôte d'un instant, qui sans façon nous a invités à grimper les quatres étages de son étroite maison, et nous enseigne l'art d'élever haut dans la brise tiède des cerfs-volants. ils s'achètent avec leur bobine écarlate par paquets de dix pour quelques roupies. La bobine de fil roule sur l'avant-bras. Le fil est enduit d'un mélange de pâte abrasive et de poudre rouge. Le jeu consiste à croiser le fil d'un voisin et à le cisailler. Des cris de joie éclatent sur le toit voisin. "Vous voyez cet homme. il a 80 ans nous, explique notre hôte. Il est revenu tout esprès des Etats-Unis pour Uttarayan." Un cerf-volant libéré s'rejoint un instant le vol libre des corbeaux avant de retomber et d'être récupérer par les gamins qui n'ont pas une roupie pour en acquérir un neuf.
Comment imaginer que six mois plus tard la capitale du Gujarat serait secouée par une vague d'attentats religieux? Mais comment imaginer que le feu de l'intolérance religieuse pouvait s'éteindre dans la plus grande démocratie du monde. Les plates-formes climatisées des villes nouvelles, fer de lance de la mondialisation, où l'Inde concentrent ses entreprises et ses cerveaux, voguent sur un continent surpeuplé, où le passé et le futur vivent au présent.
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