Ce "C" qui fait problème (21/04/2008)

1197711549.pngUn canton tout bleu ou presque. Malgré le gris du ciel, c'est bien la couleur qui domine au lendemain d'une élection jouée d'avance, comme le remarque ce matin l'éditorialiste de la Tribune de Genève. Le soutien qu'ont apporté l'UDC et le MCGe au procureur sortant Daniel Zappelli a fait la différence. Nettement. Quand la droite est unie, elle est largement majoritaire à Genève. Et même en Ville de Genève où le magistrat radical a séduit 1700 électeurs de plus, soit 10% de plus que son adversaire. Une leçon pour les prochains scrutins? Sûrement pas!

 

Le prochain, celui de la Constituante, le 19 octobre prochain. ne servira pas de test. Il s'agit d'une élection au système proportionnel qui au contraire consacrera l'éclatement extrême du corps électoral genevois et donnera bien du fil à retordre à qui dirigera une assemblée sans manorité. En outre, le choix d'abaisser le quorum de 7 à 3% et l'interdiction des apparentements favorisera une floraison tardive et non printanière des petites listes.

La prochaine échéance sérieuse tombera un an plus tard, en novembre 2009, avec l'élection du Conseil d'Etat. Une élection au système majoritaire. Sept sièges seront à repourvoir, dont deux seront vacants. Une différence essentielle par rapport à l'élection du procureur, dont le pouvoir solitaire est une anomalie dans ce pays où tous les pouvoirs sont confiés à un collège. Sept fauteuils, de quoi aiguiser l'appétit des partis. L'UDC et le MCGe présenteront donc des candidats au Conseil d'Etat. L'accord qui a porté Daniel Zappelli au Palais de Justice explosera assurément. A moins...

A moins que l'Entente genevoise ne s'élargisse à l'UDC. C'est la stratégie du parti libéral. Mais ce n'est pas gagné. L'épisode Widmer-Schlumpf et le soutien affiché par le président de l'UDC genevoise Soli Pardo à l'exclusion de la conseillère fédérale des rangs de l'UDC grisonne devrait retenir le parti radical d'offrir un siège au gouvernement à la section genevoise du parti de Blocher. Quant au PDC, qui fut avec les socialistes le maître d'oeuvre de l'élection de la conseillère fédérale, l'alliance avec l'extrême droite revêtirait un virage plus douloureux encore. A moins...

A moins que le PDC ne laisse tomber le "C" et ne se range franchement là où est aujourd'hui le gros de son électorat: à droite. L'abandon de l'étiquette chrétienne est un vieux débat auquel le parti démocrate-chrétien a été plusieurs fois confronté dans son histoire. Le parti centriste ne pourra pas y échapper. A moins...

A moins d'y perdre son âme. Mais on peut se demander si elle n'est pas déjà perdue. Où est l'inspiration chrétienne spécifique dans le PDC? Sûrement pas dans les récentes déclarations de son président suisse qui hurle avec la droite qu'il faut "modifier le Code pénal pour mieux expulser les criminels étrangers".  Sûrement pas dans le dernier paquet fiscal de l'Entente genevoise qui priverait le canton d'un milliard de recettes fiscales. Sûrement pas non plus dans le régime actuelle de la propriété foncière qui donne des droits et des avantages excessifs à leur détenteur.

A Genève, le "C" a d'abord signifié catholique. Au XIXe siècle, les catholiques de ce canton, issus en majorité des Communes réunies de Savoie et du Pays de Gex rattachées au canton en 1815 et en 1816, furent des citoyens de seconde zone. Le parti indépendant, devenu indépendant chrétien social à la suite de l'encyclique sociale du pape Léon XIII, puis démocrate-chrétien en 1970 pour s'aligner sur la nouvelle marque nationale et internationale, a permis aux catholiques de ce canton d'accéder à toutes les fonctions de la République.

Mission accomplie depuis quelques lustres. Le PDC aurait donc dû disparaître. Mais l'histoire laisse des traces et le système électoral de la proportionnelle favorise l'émiettement du paysage politique. Le problème du PDC, c'est que les petits paysans, commerçants et ouvriers catholiques qui formaient le gros de l'électorat PDC jusque dans les années 50-60 ont accédé à la classe laïque et agnostique de la petite bourgeoisie, des fonctionnaires et des professions libérales. Or cette classe moyenne voit depuis quelque temps ses avantages s'éroder sous le soleil de la globalisation. Elle s'est donc repliée sur les partis qui lui font croire que demain sera comme aujourd'hui ou comme hier. Vers un parti qui, ironie du sort, porte aussi un "C" dans son étiquette. Un "C" plus troublant encore que le "C" du PDC.  Puisque l'UDC n'a de centriste que le nom. On peut même dire que l'UDC est, sur ce plan, un parti menteur.

Le PDC doit donc affronter son avenir en choisissant soit le "C" centriste du mensonge, soit le "C" chrétien de l'usurpation. Il y aurait bien encore un troisième "C" celui de croyant, que son alliance récente avec le parti évangélique national pourrait suggérer et qui verrait le PDC devenir un parti religieux. Ouvert aux musulmans? 

Deux autres issues restent ouvertes. La première est de se laisser ressourcer par le label chrétien et de forger une nouvelle Entente républicaine avec les Sociaux-démocrates, les Verts et les Radicaux. La seconde et celle de la pente naturelle, quasi entropique, de l’aventure à droite, avec l’UDC, et le sacrifice du «C» qui trompe énormément.

Pour quelle appellation? Celle du Parti populaire européen, ce mariage de raison des démocrates-chrétiens et des radicaux libéraux? Elle aurait l'avantage d'afficher l'Europe en point de mire politique, ce serait le risque à court terme de grossir encore un peu l'escarcelle de l'UDC et l'ouverture d'une nouvelle ambiguïté lexicale. Outre-Sarine, l'UDC s'appelle "SVP", c'est-à-dire Parti populaire suisse.

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