"Qu'est-ce que la propriété? Et bien c'est le sale." (08/03/2008)
"Qu'est-ce que la propriété? Et bien c'est le sale." Tel est la thèse de Michel Serres dans son dernier essai. Du moins ce que j'en découvre dans l'excellente interview que l'écrivain donne à Isabelle Falconnier et qui ouvre la sélection des meilleurs livres du printemps publiée par Payot et l'Hebdo.
"Il me semble qu'il y a un droit naturel à la propriété." Serres insiste. Naturel s'oppose à conventionnel. Naturel, parce que les animaux aussi, qui évidemment ignorent tout du conventionnel, "s'approprient le territoire ou la niche dans laquelle ils copulent, dorment, mangent, etc. Nous faisons comme eux."
Passant à la pratique, le philosophe devient trivial: "Si je crache dans la soupe, vous ne la mangez pas. Dès que j'ai sali les draps de l'hôtel, vous en vous y glisserez pas. Il y a donc une espèce d'équivalence étrange, conclut-il, à la fois animale et humaine, entre le salissement et l'appropriation.
Généralisant son propos, Serres prétend: "Lorsque nous salissons l'environnement, il y a un acte d'appropriation du monde." Ainsi en va-t-il de la publicité par voie d'affiche qui envahit notre champ de vision. L'opinion publique commence à se rebeller et s'interroge: A qui appartient l'espace public? Aux annonceurs?
Et l'espace privé? Les annonceurs ont compris depuis quelque temps que les quidams sont les meilleurs vecteurs de la pub. La marque ne se colle plus dans le col, invisible, mais ostentatoirement sur la manche ou sur le cœur, à la vue de tous. La marque nous possède. A quelques exceptions-près, la croix du Christ, la main de fatma, l'étoile de David sont priés de rester discrètes.
Comment échapper à ces envahissements? Serres rejoint Voltaire et se complet à cultiver son jardin. "Ne pas excéder ses propres limites." Sage conclusion que l'on connaissait déjà dans la formule: ma liberté s'arrête là où commence celle des autres. Et là il n'y a pas d'autres moyens de régler les conflits potentiels que par voie de convention.
18:57 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
"et se complait..." (!)
Jolie note, me donne envie de lire son bouquin.
Mais dites-voir, vous seriez pas un crypto-anarcho-marxiste?
;-)
S-
Écrit par : Sandro Minimo | 08/03/2008
merci de nous signaler ce texte !
un régal...
Écrit par : James Becht | 09/03/2008