Aie, l'AI se casse la figure (14/05/2007)
Les quelque 130 invités des Syndicats patronaux ont failli attendre lundi soir l'arrivée de Pascal Couchepin. Le conseiller fédéral en tournée pour défendre la 5e révision d'une Assurance invalidité surendettée en raison de l'explosion du nombre des invalides psychiques devait simultanément être sur le plateau de Leman bleu et au 98 rte de Saint-Jean. Mission impossible. Le Conseiller fédéral a évidemment choisi les feux de rampes avant de venir discourir devant un parterre acquis à sa cause. Une prestation sans contradicteurs, ni du côté des handicapés, qui réclament des quotas d'embauche, ni de celui de l'UDC qui tire à vue sur les abus.
Jouant les Monsieur Loyal, Michel Barde fit donc patienter l'assistance en passant la parole à Blaise Matthey, son successeur à la tête de la FER, et le ministre de l'économie et de la solidarité François... Longchamp. Tous deux entonnèrent des discours de circonstance. La situation de l'AI est catastrophique. Si rien n'est entrepris, la débâcle pourrait menacer l'AVS elle-même.
Le message est clair. Il s'agit de rameuter les ainés pour s'assurer une victoire le 17 juin prochain. Il faut vaincre les activistes des milieux handicapés, qui en veulent plus que ce que l'économie peut offrir, et qui ont réussi à embarquer les syndicats et les socialistes dans leur référendum. Des traitres ceux là - les syndicats n'ont jamais réclamé d'introduire des quotas d'embauche dans les conventions collectives! Le mot traitre n'est pas prononcé, mais il transpire dans les propos de Pascal Couchepin. Le ministre des affaires sociales n'a toujours pas avalé le piège tendu par les socialistes et l'UDC qui, étrangement unis, ont fait capoter l'augmentation temporaire du financement de l'AI concocté par les partis centristes.
Reste que la situation est objectivement grave. L'AI a vu le nombre de ses rentiers passer de cent mille en 1990 à 260'000 aujourd'hui. Des rentiers toujours plus jeunes de surcroit, pour qui il faudra dépenser un million de francs pendant 35 ans, avant que l'AVS ne prenne le relais. Intolérable. D'où le thème répété de la 5e: la réinsertion prime sur la rente. Il faut certes lutter contre les abus, mais il faut surtout remettre les invalides au boulot et faire quelques économies. Puis, cette étape franchie, revenir aux Chambres avec une hausse temporaire de la TVA (on parle de 0,7%) pour renflouer le trou de 10 milliards qui augmente au rythme de 4 à 5 millions par jour.
Mais pas question pour les patrons d'instaurer des quotas d'embauche pour les handicapés. Le droit opposable à l'emploi cher à Sarkozy n'est pas la tasse de thé des patrons d'ici. "Il faut compter sur la culture de responsabilité sociale des entreprises suisses", veut parier Pascal Couchepin, qui craint tout de même que les entreprises passées en mains étrangères n'héritent pas de cette culture. Pas question non plus, histoire d'encourager l'emploi des handicapés, d'alléger les charges sociales des entreprises ou de subventionner les emplois handicapés sur le modèle des jobs à mille francs de la conseillère écologiste zurichoise. Ces deux propositions n'ont même pas été évoquées lundi soir.
La Suisse est championne des pays de l'OCDE en matière de réinsertion, ont martelé les débatteurs. Il n'y avait personne pour les contredire. Pourtant la France, l'Italie ou l'Espagne afficheraient des taux d'embauche des handicapés supérieurs au nôtre, prétend le radical non aligné Charly Schwarz. Un propos que semble confirmer Claude Fontaine de l'Assuas. Y aurait-il anguille sous roche? Attrapé au vol, Pascal Couchepin promet de s'informer. Blaise Matthey conseille de s'adresser à l'OFAS. Madame Nicoletta Cacitti de l'Office cantonal de l'AI explique qu'il ne faut pas confondre les invalides qui ont droit à une rente partielle ou totale de l'AI et des handicapés qui peuvent tirer un revenu entier de leur activité. Par exemple, un aveugle dans un Call Center ou une dactylo en chaise roulante.
Certes, n'empêche que le doute s'installe. La 5e révision de l'AI n'apparait soudain pas aussi simple que ses défenseurs le disent. La bonne volonté des patrons, notamment ceux des PME, qui parfois s'entendent avec les syndicats pour mettre les travailleurs usés à l'AI, suffira-t-elle à inverser la tendance d'une société malade? La détection rapide des risques d'invalidité et la mise en branle simultanément des outils de l'assurance chômage, des aides sociales et de l'AI va-t-elle réellement permettre le retour à l'emploi? François Longchamp veut y croire lui qui vient de lancer un projet pilote à Genève.
Et qu'en est-il des travailleurs valides qui souvent prennent sur eux les absences ou les pertes de rendement de leurs collègues handicapés? La nouvelle loi leur donne-t-elle un quelconque avantage? Il n'en fut pas question non plus au siège de la Fédération des entreprises romandes.
Selon un sondage SSR/Gfs du 11 mai, 43% des électeurs sont favorables à la révision et 32% s'y opposent. La proportion d'indécis est de 25%.
21:47 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Un article lamentable : félicitation ! une bonne promotion de modèle néo-libéral qui bientôt exigera des gens atteints de maladies graves de travailler quelque soit leur problèmes , on arrivera aussi aux personnes âgées dans 30 ans vous verrez : allez tous au boulot ! Il y a de l'argent en Suisse beaucoup d'argent encore faut-il le redistribuer ! Un trader à la con nuit beaucoup plus à la société qu'un handicapé , songez-y !
Écrit par : Syd | 07/12/2012